Après l’abandon de la tentative de l’équipage du Gitana Team, Sodebo Ultim 3 est donc seul à poursuivre son tour du monde dans le cadre de ce Trophée Jules Verne.
L’abandon du Gitana Team faisait suite à un choc avec un OFNI ayant endommagé le foil et le safran babord, qui ne permettait pas de poursuivre dans des conditions optimales de performance et de sécurité, l’équipage a donc fait demi tou vendredi.
Après une belle journée hier à 30 nœuds de moyenne, l’équipage de Sodebo évolue depuis la nuit dernière dans le Pot au Noir qui semble particulièrement défavorable. En effet les 270 milles d’avance sur le temps du record de Francis Joyon et de l’équipage d’Idec Sport se sont transformés en une centaine de milles de retard. Alors qu’Idec avait pu tirer tout droit dans cette zone, les hommes de Sodebo ont du multiplier les virements et ont du opter pour une route sud ouest.
L’équipage a repris de la vitesse sur cette fin de journée à 17 noeuds mais toujours sur une route sud ouest. Les prochaines heures risquent d’être décisives pour déterminer si le temps du record est envisageable au Cap des Aiguilles sachant que les temps d’Idec dans le grand sud risquent d’être difficilement améliorables.
Après le départ surprise de Sodebo Ultim 3 dans l’après midi, un autre coup de théâtre suivait en fin de journée mardi, puisque l’équipage du Gitana Team larguait également les amarres et lançait son maxi trimaran à l’assaut du globe 30 minutes après on concurrent.
L’équipage de groupe Edmond de Rothschild ne semblait pas vouloir laisser filer son concurrent, même sur une fenêtre qualifiée de moyenne, au risque de rester à quai sans de meilleures opportunités.
Sodebo Ultim 3 coupait donc la ligne de départ, entre Ouessant et le Cap Lizard, de ce Trophée Jules Verne cuvée 2020 à 2h55, tandis qu’Edmond de Rothschild en faisait de même à 3h26. Si l’un des deux équipages parvient à boucler le tour du monde en moins de 40 jours 23 heures et 30 minutes, il reprendra le record à celui d’Idec Sport mené par Francis Joyon, et si le match race dans les temps du record se prolongeait le premier rentré s’accordera le record, tandis que l’autre prendra le 2ème temps sur la circumnavigation.
Les deux équipages sont donc de fait sur des routes quasi identiques, offrant déjà de superbes images, bord à bord au milieu du Golfe de Gascogne. Ce soir, petit avantage à Gitana avec une dizaine de milles d’avance sur Sodebo ultime 3.
Les impressions des marins au départ :
Charles Caudrelier, skipper de Groupe Edmond de Rothschild : « Ce n’est pas si mal ce départ, parce que finalement nous n’avons pas le temps de faire monter la pression. On s’attendait à partir à n’importe quel moment. C’est le Trophée Jules Verne et plus que le départ, c’est surtout une belle arrivée qu’on vise. Ce sont plutôt les périodes d’avant-course qui sont stressantes ; le stress, lui, diminue, puis disparaît dans l’action. Dans nos têtes, cela fait un petit moment déjà que nous sommes prêts. Ce record, c’est différent d’une course puisque nous allons un peu nous battre contre un bateau fantôme, même s’il y a un autre bateau sur l’eau qu’on va regarder et suivre. On sait que de notre côté nous avons un bateau exceptionnel. Si nous une bonne météo avec un peu de réussite, on peut faire un temps canon. Ce bateau va vraiment vite ! »
Franck Cammas, skipper de Groupe Edmond de Rothschild:« Terminer ce tour du monde, c’est déjà un beau challenge. Évidemment, on a espoir de battre le record ; et c’est pour ça qu’on part. Mais rien n’est moins sûr lorsqu’on est sur le ponton du départ ! Ce qu’on part chercher dans l’Atlantique Sud, ça bouge encore. On n’est pas plus sûr en partant jeudi que ce soit mieux qu’en partant maintenant. On se disait que c’était risqué de partir avant notre concurrent dans une fenêtre moyenne, et il est moins risqué de partir derrière lui dans une fenêtre moyenne. Cela reste une fenêtre moyenne, mais lors de mon précédent record, en 2010 avec Groupama 3, nous étions partis avec une fenêtre très mauvaise et nous avons fini par battre le record. Bien sûr, l’idéal aurait été une fenêtre parfaite. Mais peut-être qu’elle n’existera pas cet hiver. Alors nous tentons déjà notre chance ce soir et après nous verrons… »
Jean Luc Nélias, routeur à terre de Sodebo Ultim 3 :« Ils vont s’élancer en tribord amure dans un vent de nord-ouest assez instable d’une vingtaine de nœuds, des conditions gérables pour un équipage de huit, répond Jean-Luc Nélias. Ils devraient ensuite avoir du vent fort de nord au large du Portugal avant de descendre rapidement vers l’équateur qu’ils pourraient franchir en moins de cinq jours. Une fois dans l’hémisphère Sud, l’enjeu est de négocier au mieux l’anticyclone de Sainte-Hélène pour arriver en moins de 12 jours au Cap des Aiguilles, en entrée d’océan Indien. Il faut pour cela attraper une dépression au niveau du Cabo Frio, à la hauteur de Rio, qui peut permettre de « couper le fromage » dans l’anticyclone, donc de faire une route plus courte et à haute vitesse. C’est ce que nous recherchons avec cette fenêtre, mais cela reste difficile à prédire, car c’est assez éloigné dans le temps et que la zone est instable. »
Thomas Coville et ses sept équipiers ont quitté leur base de Lorient cet après-midi pour se diriger vers Ouessant et la ligne de départ du Trophée Jules Verne, qui devrait être franchie dans la soirée. Il s’agit d’un départ surprise, l’équipage composé de Thomas Coville, François Duguet, Sam Goodchild, Corentin Horeau, Martin Keruzoré, François Morvan, Thomas Rouxel et Matthieu Vandame n’étant revenu d’une navigation d’entraînement qu’en début d’après midi.
Crédits : Sodebo Voile
Cette fenêtre météo était également surveillée par son concurrent, le Gitana Team, mais les skippers, Charles Caudrelier et Franck Cammas ont préféré renoncer du fait d’une situation potentiellement défavorable dans l’Atlantique Sud. L’équipage du maxi Groupe Edmond de Rothschild et son routeur Marcel Van Triest espèrent une autre fenêtre ce jeudi.
La lecture de la situation semble donc différente pour la cellule météo de Sodebo Ultim 3 (Jean-Luc Nélias, Philippe Legros et Thierry Briend) qui envisage d’être dans les temps du record détenu par Idec Sport (Francis Joyon) au passage du premier cap de ce tour du monde.
« Une bonne fenêtre, sur laquelle nous travaillons depuis samedi dernier, se présente, ce serait dommage de la rater, confirme Jean-Luc Nélias, qui. On ne trouve pas toujours de bons créneaux dans le Golfe de Gascogne à cette époque de l’année, il faut saisir toutes les opportunités, nous sommes contents de prendre cette fenêtre assez tôt dans la saison et nous sommes confiants. »
« L’équipe technique a fait un travail formidable pour boucler ces réparations dans un temps record et livrer vendredi dernier le bateau à 100% de ses capacités, nous avons gagné dix jours par rapport au timing prévu, indique Jean-Christophe Moussard, manager du Team Sodebo. L’équipage a ainsi pu naviguer dès la semaine dernière pour valider la dérive, il fallait procéder de même avec le foil en le mettant sous charge dans du vent. Comme il n’y en avait pas suffisamment ces trois derniers jours, nous avions programmé cette navigation technique ce matin. Entre-temps, Jean-Luc (Nélias) a vu une fenêtre se dessiner, le timing était serré, le défi logistique pour organiser cette dernière journée élevé, mais nous avons pris la décision de saisir l’opportunité. Tout le Team Sodebo s’est mobilisé pour permettre à Thomas et à son équipage de partir sereins. »
Thomas Coville a passé la nuit en mer, accompagné par une partie de l’équipe technique de Sodebo, après avoir bouclé son tour du monde en solitaire en 49 jours 3 heures 7 minutes et 38 secondes.
Le skipper et son équipe ont rejoint Brest dans la matinée, Thomas Coville a été accueilli par ses proches, ses partenaires et par le public venu nombreux sur les quais pour accueillir le nouveau détenteur du record autour du monde en solitaires à la voile.
Photo Jean-Marie Liot / DPPI / SODEBO
Les réactions du skipper à son arrivée : « Ce que je voudrais qu’on garde de ce record, ce ne sont pas tellement les 49 jours 3 heures, c’est surtout le chemin parcouru. Je suis tombé, je me suis relevé, j’ai osé. C’est un travail de dix ans, un rêve très difficile à atteindre. Mais un rêve que j’ai vécu, que je vis. Quand on a racheté Sodebo, le bateau Géronimo était là à Brest sur le Quai du commerce, c’était une épave. Et au moment où on s’est lancé dans cette histoire, de modifier Geronimo pour en faire le Sodebo actuel, je pense qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui pensaient qu’on arriverait à faire la machine qu’on a réussi à faire aujourd’hui.
On s’est retrouvé avec l’équipe technique hier soir après le franchissement de ligne. Ils sont montés à bord et chaque réaction du team a été très émouvante et a reflêté l’esprit de cette équipe très éclectique. J’ai une très très belle équipe autour de moi qu’on a façonnée avec Sodebo petit à petit. Je me retrouve aujourd’hui entouré de gens que j’ai choisis, que j’aime mais qui sont avant tout de très grands professionnels.
Cette nuit je me suis offert le luxe de dormir 4 heures d’affilées. Mais vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est. Là on revient au sommeil des enfants où lorsque tu t’endors tu n’as rien d’autre dans la tête que le fait que tu vas t’endormir. Tu n’as pas la préoccupation de l’adulte qui se projette. Non tu dors juste, c’est le sommeil que tu n’as pas connu depuis 30 ans.
Mon rythme de sommeil sur la course n’était absolument pas calé. Je n’ai jamais réussi à avoir des routines de sommeil. »
J’étais un petit garçon plutôt observateur, plutôt très admiratif et contemplatif dès que j’étais en pleine nature. J’ai toujours eu besoin et ressenti du plaisir à me retrouver dehors. Après il y avait tout ce qui était exploration et pionnier qui m’intéressait. Et dans la dimension du record la notion de pionnier, de faire une chose singulière et unique pour la première fois, c’est quelque chose qui est fort chez moi depuis que je suis gamin.
Certains valorisent ça dans une autre matière mais moi j’ai trouvé que le sport pouvait être quelque chose qui pouvait exprimer ce que j’étais. En plus dans la voile,il y a moyen de s’exprimer en équipage, en solitaire, longtemps… Il y a cette capacité de pouvoir trouver ce qui correspond le mieux à ton expression singulière.
C’est vrai que dans les records il manque une notion de compétition par rapport à l’autre et je me suis posée cette question. Mais ce qu’il y a de fabuleux dans un record, c’est de viser la barre la plus haute, comme Lavillenie aujourd’hui. C’est cette notion qui me fascine. Je pense que dans la vie d’un athlète, un record c’est assez gratifiant.
L’intelligence de manœuvrer ce genre de bateau en solitaire n’est pas qu’une question de physique, il faut aussi être malin. Savoir profiter de la houle pour faire passer le gennaker permet de s’économiser. Et plus on a de l’expérience, plus on est capable de le faire. Sur ce tour du monde, j’ai autant navigué que si j’avais été en équipage. Je ne pense pas avoir fait moins de manœuvres que si on avait été plus nombreux à bord. Ce qui fait qu’on n’est pas très loin des temps d’équipage. »
Thomas Coville signe aujourd’hui une superbe performance sportive, en bouclant son tour du monde en solitaire en 49 jours 3 heures 7 minutes et 38 secondes. Il améliore le record de 2007 de Francis Joyon sur Idec de 8 jours 10 heures 26 minutes et 28 secondes, à une vistesse de 24,09 noeuds de moyenne sur le fond (24800 milles parcourus), soit près de 5 noeuds de mieux que Francis Joyon en 2007 et la cinquième meilleur performance autour du globe, équipage et solitaire confondus.
Le skipper possédait une machine à la hauteur de ses espérances, son trimaran ayant été imaginé autour de ce but, en partant de Géronimo d’Olivier de Kersauson, profondément remanié. En effet, le skipper, entouré de son équipe et des architectes VPLP, ont conservé une partie des flotteurs et les bras de l’ancien trimaran d’ODK, pour obtenir ce trimaran taillé pour le tour du monde en solitaire à la voile.
Photo Jean-Marie Liot / DPPI / SODEBO
Thomas Coville a également fait preuve d’une pugnacité hors norme, le marin court après cet objectif depuis 2007, il a tenté 5 fois ce tour du monde et boucle cette circumnavigation en solo sur un multicoque pour la 3ème fois, après les échecs de 2008 et 2011. Il atteint donc son graal aujourd’hui.
Il aura puisé dans ces réserves pour parvenir à cet exploit, essayant de tirer le meilleur parti de sa monture, guidé par sa cellule routage composée de Jean-Luc Nélias, Thierry Douillard, Thierry Briend et Samantha Davies.
L’exploit est unanimement salué par l’ensemble des acteurs de la course au large, le public pourra également accueillir le navigateur demain aux alentours de 9h à Brest.
Francis Joyon, ex détenteur du record autour du monde en solitaire : « Thomas signe un superbe chrono, au terme d’un tour parfaitement négocié. Bravo à lui. Bravo pour sa performance et pour sa persévérance. Il place, avec ce bateau plus grand et plus toilé que ne l’était mon trimaran IDEC, la barre très haute. Il faudra à l’avenir beaucoup de réussite pour battre ce chrono en enchainant sans transition les systèmes météos ainsi que Thomas a su le faire. Nous ne sommes que trois, avec Ellen, a avoir bouclé ce tour du monde en multicoques et sans escale, et savons quel engagement extrême il a fallu a Thomas pour venir au bout de cette magnifique performance »
Le trimaran de Thomas Coville, qui navigue actuellement avec Franck Cammas sur la Volvo Ocean Race, a été remis à l’eau samedi à Saint Philibert, avant de rejoindre son ponton à La Trinité sur Mer.
Le bateau a subi un important chantier d’hiver, avec la modification de la position des flotteurs, qui ont été avancés afin de parfaire l’équilibre du bateau dans le grand sud, le multicoque reçoit également une nouvelle décoration pour cette saison.
Baptiste Morel/Voile-Multicoques.com
Du fait de cette mise à l’eau tardive pour cause de fort coup de vent, le trimaran n’a pas pu s’aligner au départ du Tour de Belle Ile, comme prévu initialement.
En l’absence de son skipper attitré, Thierry Briend mènera le trimaran pour ce début de saison en équipage afin de tester l’équilibre général du bateau avec les flotteurs avancés.
Sodebo participera à l’Armen Race (17-20 mai) et au Record SNSM (31 mai-5 juin), qui permettront de valider les évolutions techniques du bateau avant le retour de son skipper, qui devrait s’élancer pour une nouvelle tentative de record autour du monde en solitaire cet hiver.