Comme prévu, la brise a forci cette nuit, et les conditions de mer se sont durcies avec l’entrée dans le flux du Gulf Stream qui apporte deux nœuds de courant portant à l’Est,mais aussi un renforcement de la houle près des Grands Bancs de Terre-Neuve.
Les équipages naviguent désormais sous deux ris dans la grand-voile et solent ou foc de brise, avec des vitesses de l’ordre de trente nœuds, la prudence reste cependant de mise au sein avec les avaries d’appendices survenues à bord de Race for Water (dérive endommagée suite à une collision avec un OFNI hier) et celle de Musandam-Oman Sail ce jour ; comme l’explique le skipper Sidney Gavignet : « En milieu de nuit, tout allait bien avec une vitesse moyenne oscillant entre 30 et 33 nœuds sous deux ris dans la grand-voile et foc solent. Le foil s’est rompu mais nous n’avons pas eu l’impression d’avoir touché quelque chose… Nous l’avons retiré de son puits et stocké dans la coque centrale. Nous devons donc naviguer désormais sous deux ris et foc de brise ORC à 70% de notre vitesse normale. Ce qui fait que nous allons perdre 200 milles par jour ! Mais nous pouvons arriver sans encombre jusqu’à Brest : il faut juste rester plus prudent car le bateau enfourne dans la mer plus brutalement. On garde le moral… Nous aurons besoin d’un nouveau foil à Brest, car une escale technique aux Açores n’est pas envisageable : il n’y a pas de vent en ce moment autour de l’archipel. »
Le potentiel du trimaran omanais est donc largement entamé et l’équipage se trouve relégué à plus de 100 milles de la tête de flotte ce soir.
Ce soir Spindrift racing mène la flotte devant Foncia et Groupe Edmond de Rothschild, ces trois bateaux filent toujours à près de 30 nœuds avec une route nord est, avec des moyennes sur 24 heures supérieures à 700 milles ; le déclenchement de l’empannage prévu demain ou mercredi s’annonce crucial pour la suite de la course avec le front où le vent va mollir à une vingtaine de nœuds puis s’orienter au secteur Ouest. Il faudra alors choisir entre deux options soit plonger vers le Sud-Est et l’anticyclone des Açores sur une mer calme mais un vent faiblissant, soit continuer vers le Nord-Est pour longer le front et se rapprocher de la route directe avec une mer plus agitée et un vent plus instable.
Les skippers à la vacation :
Michel Desjoyeaux (FONCIA)
« Côté conditions météo, ça commence à mollir doucement et on ne devrait pas tarder à renvoyer de la toile. Cette nuit, nous n’avions pas beaucoup de repères et il fallait se fier à l’électronique qui nous donne la force et la direction du vent, la vitesse du bateau et son cap. On a bien eu un bout de lune en fin de nuit, mais on ne voyait pas grand-chose parce que c’est très nuageux à l’avant du front. Côté stratégie, il n’y a pas d’initiatives à prendre dans l’immédiat et tout le monde suit à peu près la même route. Mais à la longitude des Açores, il y aura des opportunités… On ne voit plus Spindrift racing mais on le suit avec l’AIS. Tout est trempé à bord ! Parce qu’il y a quand même de belles vagues. Et il y a toujours quelqu’un à l’écoute pour gérer la situation dans une bouffée d’air. A l’intérieur, c’est un véritable shaker ! »
« C’est plutôt sympa d’avancer si vite vers la maison. C’est très grisant, mais un peu stressant aussi. Dans ces conditions, on libère la puissance, ou on réduit la toile par l’arrière. Mais, on adapte en bordant ou choquant l’écoute de voile d’avant. Cela nécessite une vigilance de tous les instants et c’est la condition sine qua non pour rester à l’endroit. A la barre, on porte un casque avec une visière pour se protéger des gerbes d’embruns qui déferlent par dessus le pont. Il faut avouer que depuis cette nuit, c’est un peu ambiance sport de combat ! »
Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild)
« Nuit mouvementée et assez ventée : on a eu jusqu’à 30-35 nœuds avec pas mal de grains et une houle croisée qui ne facilitait pas le pilotage. La brise devrait se calmer un peu en milieu d’après-midi ou en début de nuit prochaine, mais on aura quand même 25 nœuds et une mer de 2,5 mètres… Ce midi, comme nous sommes juste au Sud des bancs de Terre-Neuve, il y a parfois des zones très chaotiques avec les méandres du Gulf Stream, puis vingt milles plus loin, ça se réorganise… On navigue sous deux ris et solent à 140-150° du vent réel, un angle assez abattu pour gérer la vitesse et glisser vers le Nord-Est progressivement. On se maintient à 28 nœuds de moyenne et c’est plus « supportable » que les 30-32 nœuds de dimanche soir : c’est important que le barreur joue avec les creux pour ne pas trop solliciter le bateau. Alors avec cette « molle » à venir, ça sera tout de même plus aisé pour négocier les vagues. »
Antoine Kock (Groupe Edmond de Rothschild)
« Tout va bien à bord de Groupe Edmond de Rothschild, sauf qu’il est très compliqué, voire impossible de taper sur le clavier !! La vie est encore plus compliquée à l’intérieur du bateau que sur le pont. C’est aussi humide, mais comme on ne voit pas les vagues arriver, lorsque le bateau plante- ce qui arrive environ une fois toutes les heures – on fait de beaux vols planés à l’intérieur… Les déplacements sont vraiment longs et difficiles… A part ça, cette transat express tient ses promesses, et le speedo ne descend que rarement en-dessous de 30 nœuds. Florent a amélioré le record de vitesse du bateau : 40,7 nœuds… A demain, Antoine Koch »

© Yvan Zedda / Sea&Co / Gitana Team
Yann Guichard (Spindrift racing)
« C’est humide, très humide ! On a passé une bonne première partie de nuit, mais c’est difficile de tenir des vitesses élevées sans risque à cause des vagues, car la mer est assez agitée… On a pris notre rythme, mais ce n’est pas facile de dormir parce qu’il faut être tous à l’arrière du bateau et il n’y a pas de bannettes derrière : ça secoue beaucoup. On prend quelques petits grains qu’on anticipe bien au radar : en ce moment, on a 32 nœuds de vent réel mais il n’y a pas trop de méchantes rafales et c’est moins stressant. Nous sommes quatre barreurs à nous relayer toutes les quarante minutes parce que c’est assez éprouvant. On a pu manger correctement jusqu’à hier soir où nous avons fait notre premier lyophilisé : c’était assez rock & roll ! Il faut garder des forces et c’est vrai que le sommeil, ce n’est pas aisé… Nous avons fait un joli « planté » ce matin. Nous avons réduit la voilure. L’expérience de garçons comme Jean-Baptiste Levaillant et Pascal Bidégorry est précieuse. »