Yann Guichard, skipper du MOD70 SPINDRIFT racing, et barreur de l’AC45 de l’Energy Team a de nouveau répondu aux questions de Voile-Multicoques lors de l’étape marseillaise de l’European Tour 2012.
L’interview a été réalisée le vendredi 29 septembre à l’issue de la première journée des City Races de Marseille.
Voile-Multicoques : Peux-tu nous donner des nouvelles de ton état de santé après ta blessure (le skipper avait chuté lors d’un enfournement) sur la fin de la 4ème étape de cet European Tour ?
Yann Guichard : Je vais mieux, heureusement je n’ai rien de cassé (il souffre de déchirures des muscles intercostaux), c’était mon inquiétude initiale. Je prends un traitement anti inflammatoire et des antalgiques, mais il persiste malgré tout des douleurs, j’essaye donc de me ménager un peu, dans la mesure du possible.
Voile-Multicoques.com/Baptiste Morel
Tu as choisi de modifier ton équipage pour la dernière étape, quelles sont les raisons de ce changement ?
J’essaye de faire tourner l’effectif depuis le début de cet European Tour, avec un nouvel homme à chaque étape en offshore et en inshore ; l’objectif de ce roulement est de sélectionner l’équipage pour le tour du monde de l’année prochaine. Cette rotation est une bonne chose, même si certains concurrents comme Foncia ont choisi d’avoir un équipage fixe.
Les nouveaux apportent du sang neuf et un œil « extérieur », qui permet de remettre en cause les certitudes que nous pouvons avoir après un mois de course.
Vous pointez en seconde position de cette épreuve à l’issue de l’avant dernière étape, l’objectif est de finir devant Foncia, quelle va être la stratégie adoptée par rapport au seul adversaire direct restant pour la victoire ?
Nous avons huit points de retard sur Foncia, l’idéal serait de revenir à quatre points à l’issue des City Races, étant donné qu’une place de différence en offshore représente quatre points, mais ceci s’annonce difficile.
Les trois points du parcours côtier seront également très importants, peut être plus que ceux des inshores.
Le marquage de Foncia sur la dernière étape (entre Marseille et Gênes) n’est pas faisable, mais je pense chacun des équipages va regarder ce que fait l’autre, il est peu probable que nous prenions une option radicalement différente.
Nous sommes désormais certains de finir deuxième au pire, la bagarre pour la place de vainqueur s’annonce belle, tout comme celle pour la troisième place de cet European Tour.

Voile-Multicoques.com/Baptiste Morel
Une seconde place ou une victoire sur cet European Tour, une victoire sur la Krys Ocean Race, les objectifs de l’équipe Spindrift racing sont donc atteints pour cette première saison en MOD70 ?
L’objectif reste de gagner le Tour de l’Europe, même si nous avons gagner la Krys Ocean Race, nous espérons poursuivre sur la lancée.
Nous ne ferons le bilan qu’à l’issue de cette course, mais bien sûr je suis satisfait des résultats. Nous avons malgré tout fait des erreurs sur les étapes trois et quatre, qui nous ont fait perdre des points sur Foncia.
Globalement nous progressons en apprenant à mieux connaître le trimaran, surtout dans le petit temps, où nous devons faire des progrès par rapport à d’autres équipages.
Nous avons peut être un petit avantage sur les City Races grâce à mon expérience sur d’autres circuits de régates en flotte, comme sur les America’s Cup World Series en AC45 (Yann partage la barre du catamaran à aile rigide d’Energy Team avec Loïck Peyron), ce qui permet d’être un peu plus à l’aise sur le placement du bateau lors des phases de départ.
Un mot sur les performances du jour (l’interview a été réalisé à l’issue de la 1ère journée des City Races de Marseille) ?
Nos performances sont très proches de celles de Foncia, nous sommes devant à l’issue de cette première journée, ce qui est pris n’est plus à prendre, mais rien n’est joué,. Il faudra continuer à prendre de bons départs, comme nous l’avons fait sur la 1ère et la 3ème manches afin d’assurer de bonnes places.
Ce circuit tient ses promesses au niveau sportif, mais peine à attirer des sponsors et des équipages internationaux. Que manque-t-il à la classe MOD70 pour arriver à ces objectifs ?
Effectivement nous avons montré que les bateaux sont bons, que nous pouvons faire de belles régates que ce soit en offshore ou en inshore.
Le plus important pour développer la classe serait l’arrivée d’un partenaire titre, idéalement une entreprise internationale.
Ceci permettrait aux nouvelles équipes de trouver des sponsors et d’attirer les skippers étrangers, beaucoup sont intéressés par les MOD70, mais la conjecture économique est difficile en Europe.
De notre côté, nous avons de bons résultats, un certain nombre de contacts, mais tout ceci reste en attente d’un partenaire titre pour le championnat, qui permettrait de pérenniser la classe avec un programme définitif pour plusieurs saisons.
Le trimaran monotype semble satisfaire les skippers au niveau des performances, qu’en est-il au niveau du comportement ? Tu avais émis le souhait d’un ballast arrière à l’arrivée de la Krys Ocean Race, peux-tu nous en dire plus ?
Ces trimarans sont bien nés, avec une monotypie parfaitement respectée, comme le prouvent les arrivées très serrées sur toutes les courses.
De mon côté je serai effectivement favorable à l’ajout d’un ballast à l’arrière, ce qui amènerait de meilleurs performances au portant dans le gros temps, mais surtout plus de sécurité dans ces conditions, en limitant l’enfournement. Cet aspect est important pour le tour du monde prévu l’année prochaine. Cette modification n’impliquerait pas de gros travaux, ni un chantier long, il suffit d’ajouter une cloison et un snorkel, j’espère donc que cette amélioration sera retenue.
Le Z-Drive (système de transmission permettant à l’hélice de pivoter) serait à revoir, car il entre en vibration à hautes vitesses (au dessus de 33-34 nœuds), le changement de ce système rendrait le trimaran plus agréable à la barre.

Voile-Multicoques.com/Baptiste Morel
Voile-Multicoques.com/Baptiste Morel
Comment sont prises les décisions concernant les modifications de la jauge au sein de la classe MOD70 ?
Les décisions sont prises par le collège d’armateurs en accord avec l’organisateur MOD, ces réunions se font en bonne entente entre les deux parties, chacun amène ses propositions et celles-ci sont discutées.
La prochaine réunion aura lieu en octobre et permettra de décider ce qui sera modifié sur les bateaux pour la saison prochaine.
MOD a bien fait les choses avec une vraie structure organisatrice et une hiérarchie, ce qui se révélera encore plus important quand nous serons huit ou neuf au sein de la classe.
Tu poursuis les navigations au sein de l’Energy Team sur le circuit ACWS. Un nouveau système de classement a de nouveau fait son apparition pour cette saison avec le Super Sunday, que penses-tu de ce nouveau format ?
Le système était pire la saison dernière avec des coefficients quatre à cinq pour certaines régates, désormais il y a un vrai plus pour ceux qui finissent sur le podium lors de ces courses. Finalement ceci permet à certains teams qui ont de moins bons résultats de se rattraper, même si le plus souvent ce sont les mêmes en tête de la flotte.
Le fait que ces régates soient diffusées en live à la télévision joue également un rôle, il est plus facile pour le public de comprendre que celui qui gagne sur ces manches remporte l’événement.
Ceci apporte également une grosse intensité, sur un format court, d’une vingtaine de minutes, avec une bagarre au contact, c’est donc un grand plaisir de naviguer sur ces bateaux, quel que soit le format.
Energy Team devait construire le sistership d’USA-17 (le 1er AC72 d’Oracle Team USA) si le budget était décroché pour la 34ème America’s Cup, ce qui n’a hélas pas été le cas. Pourrais-tu nous donner ton avis sur ces catamarans AC72 ?
Nous ne pouvons que regretter de ne pas avoir obtenu le financement pour construire ce bateau au vu des images de navigation des AC72, ces bateaux sont magiques, j’aimerai bien sûr naviguer sur des bateaux qui « volent » après seulement quatre jours de navigation comme l’a fait Emirates Team New Zealand.

© ORACLE TEAM USA / Photo: Guilain Grenier
La progression sur ces bateaux est énorme parce que les équipes ont des moyens, et aussi les meilleures personnes à tous les postes, ces catamarans apporteront forcément aux multicoques de compétition dans le futur.
Le fait de ne pas avoir décrocher le budget pour Energy Team est d’autant plus dommage que le deal entre Oracle Team USA et notre équipe était excellent et permettait de disposer d’un bateau compétitif par rapport aux autres challengers, même avec des moyens plus limités.
Même si il n’y a que trois challengers la qualité sera là, lors des éditions précédentes, le plateau comptait dix ou douze challengers, mais seulement trois ou quatre étaient réellement compétitifs.
La Louis Vuitton Cup et l’America’s Cup devraient offrir de superbes régates, la baie de San Francisco est magnifique à naviguer avec des conditions soutenues, il faudra avant tout finir les courses sur ces machines incroyables, mais nous pouvons faire confiances aux marins qui se sont parfaitement adaptés aux multicoques.
Voile-Multicoques remercie Yann Guichard pour sa disponibilité, Astrid van den Hove, et Caroline Muller.