Les équipages des MOD 70 ont fait leur entrée en Méditerranée hier soir, après un passage de Gibraltar au près dans des vents faibles.
Sidney Gavignet et son équipage sur Musandam Oman Sail avait déjà fait le break en compagnie de Stève Ravussin sur Race for Water la nuit précédente, grâce à une option au plus près du Cap Sain Vincent, l’équipage suisse perdait ensuite un peu de terrain en approche du Cap de Gibraltar, laissant le leadership au trimaran portant les couleurs omanaises.
L’équipage a su faire fructifier cette position et continue à creuser une avance qui devient conséquente avec 25 milles d’avance sur Race for Water, Michel Desjoyaux et ses hommes sont parvenus à limiter la casse et pointent à une trentaine de milles du leader.
Il n’en est pas de même pour les équipages de Spindrift racing et de Groupe Edmond de Rothschild qui se sont fait décrochés alors qu’ils étaient au contact avant l’entrée en Méditerranée. L’équipage de Yann Guichard a connu des soucis avec le point d’amure du gennaker qui a cédé, leur faisant perdre une dizaine de milles et les laissant dans des vents erratiques d’un à trois noeuds au contact de l’équipage de Sébastien Josse, qui voient toute chance de revenir s’affaiblir puisque le flux devrait se renforcer par l’avant…
« Depuis hier après Gibraltar, on est dans de toutes petites conditions très légères. On s’est déjà arrêté plusieurs heures : ce sont de vraies conditions lémaniques ! On essaye de faire marcher le bateau le plus possible par rapport à la route, on n’a pas trop le choix. Mais tout va bien, on est calme et on fait du mieux possible.
Cette nuit, c’était incroyable, il y avait énormément de brouillard et une bruine fine, il pleuvait sur le bateau tellement il y avait de l’humidité dans l’air, on voyait les étoiles mais pas les cargos, on entendait juste leur corne de brume. On est dans un entonnoir donc il y a pas mal de trafic, on a eu pas mal de dauphins hier et du krill qui nageait en surface. Ce matin, ça s’est un peu éclairci, il fait chaud, on est en T-shirt, on se protège du soleil. J’ai bien peur qu’on reste encore pas mal de temps dans ces conditions, mais il faut rester positif. Dès ce soir, on aura peut-être plus de vent … on espère que tout cela va nous rapprocher de Marseille ! Sinon, FONCIA est juste derrière nous, on le voit. Les MOD70 sont tous identiques et normalement, ils vont tous à la même vitesse. Mais il faut toujours travailler pour les faire avancer. »
Yann Guichard, Spindrift racing lors de la vacation de la mi-journée. :
« La nuit dernière, ça a été compliqué pour tout le monde et pour nous spécialement. On a eu un problème sur le gennaker. Avant de passer Gibraltar, le point d’amure a cassé, le gennak est parti en vrac sous le vent, c ‘était un peu chaud, on a réussi à l’affaler, à réparer l’amure et à repartir. On a dû perdre une bonne dizaine de milles là dessus. C’est pour ça qu’on s’est fait décrocher par FONCIA et Gitana. Ensuite, la nuit s’est passée avec entre 0 et 2 nœuds de vent. Avec le courant, les instruments (de navigation) étaient complètement à l’envers, donc pas facile de faire avancer le bateau dans ces conditions.
Pour l’instant, ça ne redémarre toujours pas. C’est mer d’huile. Gitana, dans le sud, a redémarré, mais nous, on est encalminé, on essaye de ressortir de ce pot de pus mais on a un peu de mal. Sur les fichiers météo, en plus, ça repart par devant, donc ce n’est pas très bon signe pour la suite. Mais bon, on reste positif. On est là où on est. Il faut maintenant essayer de faire avancer au mieux le bateau le long de ces côtes espagnoles pour ne pas prendre trop de retard. Il faut essayer de ne pas trop se faire larguer par Gitana, parce que je pense que ça va se jouer avec eux jusqu’à la fin. Donc, il faut « être dessus » et rester calme. Sinon, il fait très très chaud, dans le bateau c’est la fournaise. Dehors aussi et là, on est entourés de dauphins… ça serait bien qu’ils nous poussent un peu. »
Sébastien Josse, skipper de Groupe Edmond de Rothschild à la vacation de midi :
« Nous sommes en short, T-shirts, pieds nus, casquette et crème solaire. On a pas mal de petits dauphins un peu partout et pas mal de cargos aussi, il y a de la vie dans le coin. La mer est super plate. Le vent oscille entre 1 et 3 nœuds avec de grosses variations, donc pas évident de se sortir du guêpier. Une seule solution : la patience. La nuit dernière a fait des écarts. Maintenant, il faut attendre que le vent se réinstalle pour pouvoir redémarrer. Aujourd’hui, on va essayer de compter sur des brises thermiques. Il fait chaud, donc ça devrait s’installer en début ou milieu d’après-midi. Puis dans 24 heures, le sud-ouest doit arriver. Mais je pense que les bateaux qui ont un avantage aujourd’hui le garderont jusqu’à la fin. C’est toujours énervant de voir des bateaux qui étaient à moins de 100 mètres s’envoler et de ne pas pouvoir accrocher le wagon. C’est normal, on est là pour faire la course. Quand on a choisi une position et que ça décolle juste à côté, oui, c’est assez rageant mais ça fait partie du jeu de la voile. »
Message de FONCIA envoyé à 10 heures ce matin
« La journée d’hier a été laborieuse. D’abord, il a fallu nous remettre de nos émotions, de s’être fait torpiller par Oman Sail et Race for Water. Ensuite, les conditions ont été très variables, c’est un euphémisme, donc beaucoup de réglages, et pour couronner le tout, on avait du monde autour, ce qui soit dit en passant, rajoute un peu de pression dans les esprits, pour peu qu’on en ait encore ! On s’est battu avec Spindrift et Gitana, qu’on a réussi à décrocher (un peu !) à l’approche de Gibraltar. On a passé Tarifa juste avant la nuit, et fait plusieurs virements de bords pour passer entre le Rail descendant et la côte, dans un vent déjà bien mollissant, puis on s’est pris une bonne pétole en face de Gibraltar, plus un cargo hors rail qui a zigzagué autour de nous, en même temps qu’on virait pour l’éviter aussi. Petite perte de temps, mais c’est rentré dans l’ordre après, et nous voilà à attaquer la mer d’Alboran….Gros dossier, dans un vent qui se faisait discret, alors qu’un clapot de face nous empêchait de glisser tranquillement sous gennaker. Bonne nuit cependant, puisque Spindrift et Gitana, sur une trajectoire proche de la notre, n’ont pas été bien rapides. On voit à nouveau Race For Water, sur une mer d’huile, à quelques milles dans notre sud-est. Il vient de redémarrer un peu avant nous, mais le vent n’est pas distribué à tous les étages, donc, wait and sea, comme ils disent !C’est quand même con, on fait des bateaux qui vont à plus de 30 nœuds, et on s’en sert à 10% depuis quelques temps ! Ils pourraient mettre des ventilateurs ! Si Oman Sail a pris du champ, tout reste cependant à faire, avant la ligne à Marseille, destination qu’on atteindra… plus tard ! »
Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) à la vacation du matin.
« Brian est à la barre, Khamis est sur le pont, il dort dans le filet à l’avant. Jeff et Fahad sont dans les bannettes et Thomas Lebreton se fait à manger. Nous sommes grand-voile haute et gennaker. Il n’y a pas beaucoup d’air mais il y a un peu de mer, donc le gréement bouge dans tous les sens, ce n’est pas très agréable. Cette nuit, j’ai fait un quart où on s’est retrouvé à empanner au près parce que la vitesse était à zéro et la seule façon de relancer le bateau, c’était de se mettre dos au vagues ! On a eu un petit épisode chaud avec un remorqueur qui nous venait droit dessus. Je me suis demandé s’il ne fallait pas démarrer le moteur, mais finalement, ça s’est bien passé. C’est très dur à régler aussi, avec les voiles qui battent dans tous les sens. Mais là, je vois que Brian est à fond : il est à 10 nœuds, je vois même 11,10 nœuds : c’est le record de la nuit ! Forcement c’est sympa d’être devant, en même temps, c’est tellement mou, qu’on croise les doigts pour ne pas tomber dans un trou de vent et à chaque pointage, on a le stress de découvrir ce qui s’est passé. Pour l’instant, ça se passe pas mal pour nous, mais on ne s’emballe pas. D’après Jeff (Cuzon), le vent va monter dans la journée, ça va s’établir au sud-ouest. Nous, nous sommes placés là où on veut, car cette brise devrait plutôt s’établir par le nord. Le premier qui part avec ça va forcément creuser sur les autres. »