Les deux leaders ont offert une superbe bataille lors de leur arrivée en Guadeloupe.
Le contournement de l’île aura offert un suspense haletant, Francis Joyon avait déjà amorcé un superbe retour les 24h précédentes, mais les vents évanescents sur l’île ont permis une nuit de régate magnifique.
A la marque de Basse Terre, François Gabart pointait encore en tête avec 17 minutes d’avance, après avoir été totalement scotché pendant plusieurs heures. La victoire semblait encore acquise pour François Gabart sur son trimaran MACIF, mais entre le Sud de l’île et la ligne d’arrivée, Francis Joyon, décalé à terre, prenait une risée qui lui permettait de revenir sur MACIF. Bien que ralenti par un filet de pêche pris dans un de ses safrans, le skipper d’IDEC Sport parvenait à conserver l’avantage pris sur MACIF plus au centre du canal des Saintes. A deux milles de la ligne, le vent tombait à nouveau, l’avantage pris le long de la côte de Francis Joyon fondait de nouveau, MACIF plus rapide, revenait au contact. Les deux trimarans se retrouvaient bord à bord, à 3 nœuds de vitesse. Francis Joyon parvenait à caler un superbe virement qui l’amènera à la victoire.
Francis Joyon, skipper d’IDEC Sport s’imposait donc en 7 jours 14 heures 21 minutes et 47 secondes pour à la vitesse moyenne de 19,42 nœuds. Il établit ainsi un nouveau temps de référence sur le parcours en battant de 46 minutes et 45 secondes le chrono réalisé en 2014 par Loïck Peyron. François Gabart sur MACIF prend la 2nde place en 7 jours 14 heures, 28 minutes et 55 secondes de course, concédant 7 minutes et 08 secondes au vainqueur.
Idec Sport devient avec ses victoires triple vainqueur de la Route du Rhum, sur trois éditions consécutives, avec Franck Cammas à la barre en 2010 sous les couleurs de Groupama 3, avec Loick Peyron en 2014 sous les couleurs de Banque Populaire et de nouveau cette année avec Francis Joyon.
Le team Macif Voile avait dévoilé, quelques heures avant le dénouement les soucis qui avaient handicapé François Gabart sur cette course. Le skipper a dû faire face à des soucis de vérin de J3 lors de la première nuit de course.
Puis lors de la deuxième nuit, le skipper perd son fois tribord dans la traversée du Golfe de Gascogne, puis son safran bâbord, qui s’est coupé net sous le casque de safran le lendemain matin. Les soucis de lattes de grand voile étaient quant à eux connus, le skipper de Macif ayant pu réparer la latte 3 mais a du se passer de la 4 non réparable.
Les mots des deux skippers à leur arrivée :
Francis Joyon : « Je me suis rendu compte que je pouvais gagner 1 minute 30 avant l’arrivée . Mais avant ça, j’ai cru que François allait me repasser parce qu’il allait beaucoup plus vite avec son code zéro. C’est vrai que ça a été un moment de grande inquiétude parce que je le voyais revenir comme un avion. J’avais l’impression de rééditer un petit peu l’arrivée de Mike Birch pour qui j’ai beaucoup d’admiration ».
François Gabart : « Quand il me vire devant je me dis c’est mort et puis en fait je reviens je reviens je reviens puis je me dis ‘on va se finir tous les deux sur la ligne à une longueur de bateau…’ Et voilà c’est comme ça que ça se termine, mais ce n’est qu’un détail. C’est un détail important car il arrive à la fin de la course, mais ce n’est qu’un petit moment par rapport à une course qui a duré un petit peu plus d’une semaine ! »
Francis : « J’ai appris les problèmes de François au dernier moment mais je me doutais qu’il avait un bateau extrêmement rapide et que si j’arrivais à regagner sur lui c’était qu’il était handicapé d’une manière ou d’une autre. Je pensais que c’était plus un problème de bas étai ou quelque chose comme ça qui le contrariait, je n’imaginais pas que les dégâts étaient aussi importants. Il a eu énormément de mérite de continuer à un rythme aussi élevé alors qu’il avait un safran et un foil en moins. Ce sont quand même de gros handicaps et François a réussi d’une part à prendre sur lui et ne rien dire, et d’autre part à faire une course hyper courageuse et engagée.»
François : « Je pensais que ça allait être simple sur une transat et en fait j’ai passé énormément de temps à bricoler et à adapter ma façon ne naviguer à tous les problèmes que j’ai pu avoir sur le bateau. J’ai passé mon temps à ça, dès qu’il y avait une phase de transition. Ça a commencé dès le passage de Ouessant et ça s’est terminé jusque dans derniers bord où il fallait pomper dans le puits de foil qui se remplissait d’eau »
Francis : « J’ai l’impression d’avoir été plus loin que d’habitude. Là j’ai trouvé des stratégies de sommeil où j’arrivais à récupérer en quelques petits instants de temps en temps et du coup je ne me suis pas mis dans le rouge complètement. Mais c’est vrai qu’en matière de navigation un peu sauvage, les deux premiers jours c’était vraiment très très sauvage. Et je comprends qu’il y ait eu beaucoup de bateaux cassés parce qu’il fallait réussir à passer sans casser le bateau et j’ai failli plusieurs fois casser le bateau moi aussi (…) Le trajet a été difficile, même en croyant avoir du beau temps dans les alizés, on avait des passages de grains assez violents. Les changements de voile étaient difficiles, le bateau était brutal, c’était sportif. C’est ce qu’on venait chercher mais cela restait des moments délicats. Je suis dézingué au niveau auditif car le bateau était en vibration et en sifflement constant… »
François : « Si j’ai la patate comme lui à 62 ans, ce sera bien. C’est la preuve que la voile maintient en forme. Cela dit, quand on regarde ce qu’on a fait… Moi, je n’ai pas beaucoup dormi et parfois, on va un un peu trop loin dans l’extrême au niveau physique et mental donc il ne faut pas faire ça trop souvent. Une fois par an, c’est suffisant »
François : « Je suis content de la course. Cette course aurait pu s’arrêter plus tôt, ça ne se joue pas à grand chose. J’arrive quand même jusqu’ici en Guadeloupe, ravi de m’être tiré la bourre. C’est vrai que je suis deuxième. La victoire, est-ce vraiment ce que je viens chercher systématiquement ? Ces dernières années, j’ai eu la chance de vivre des courses de dingues. Ce que tu retiens à la fin, c’est ça. Ce sont les expériences que tu vis… Je retiendrai que j’ai eu peur, que j’étais tendu quand je voyais Francis revenir, que c’était insupportable. Et ce dernier bord à bord la nuit dans la pétole. Peut-être que demain j’aurais la gueule de bois et que ça fera mal de ne pas avoir gagné, mais je crois surtout que je m’en souviendrai toute ma vie de cette course, parce qu’elle était belle jusqu’au bout. Et j’y ai appris plein de choses.»
Avec la perte de ses deux appendices, François Gabart était donc doublement handicapé, en effet côté tribord l’absence de foil empêchait le soulagement voir le vol du bateau, alors que côté bâbord, l’absence du safran contraignait le skipper a gardé le bateau suffisamment à plat pour garder le contrôle de la trajectoire grâce au safran de coque centrale.
A lire, l’interview de Patrice Lafarge, PDG d’IDEC et fidèle sponsor de Francis Joyon.
Thomas Coville a quant à lui repris sa route hier matin, avec la 3ème place comme objectif. Le skipper a quitté le ponton du port de La Corogne à 8h ce matin. Après s’être éloigné des côtes il a repris la direction du sud à vitesse modérée afin de tester la réparation réalisée sur Le Bras de liaison.