Francis Joyon 6ème au finish devant Yann Eliès

Francis Joyon et Yann Eliès ont joué un remake de l’arrivée de Lionel Lemonchois et Sidney Gavignet, avec le même résultat, le skipper le plus expérimenté et sur le plus gros trimaran bat l’autre sur le fil.

Francis Joyon sur Idec Sport a choisi la même option à terre que Lemonchois plus tôt dans la journée, avec le même succès puisqu’il passait Yann Eliès encalminé plus au large.

Francis Joyon boucle donc cette 10e Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 9 jours 4 heures 42 minutes et 4 secondes, à la vitesse moyenne de 16,05 nœuds. Il a parcouru en réalité 4 664 milles à 21,13 nœuds de moyenne. L’écart au premier, Loïck Peyron, est de 1 jour 13 heures 33 minutes et 32 secondes.

Francis Joyon, skipper d’Idec Sport :

« Mon père me disait toujours qu’il fallait être soit premier soit dernier ! (rires). Bon, je ne suis pas vraiment habitué à ramasser les bouées, mais c’est la loi du sport et il faut savoir l’accepter. Pour qu’il y ait de beaux vainqueurs, il faut aussi qu’il y ait de bons perdants ! J’ai effectué ma pénalité de deux heures hier soir et Yann (Eliès) est revenu, puis j’ai réussi à repasser dans le final mais c’est anecdotique. Ceci dit, je suis plutôt content d’arriver de jour, parce que je sais que la nuit les dévents de la Guadeloupe peuvent être assez embêtants : une fois j’ai mis plus de douze heures à faire le tour donc je me méfiais ! 

Le sport, c’est aussi savoir perdre. Bien sur comme tout le monde je préfère gagner, mais ça ne peut pas être le cas à chaque fois. J’ai eu beaucoup de petits soucis techniques qui m’ont vraiment handicapé, entre autres avec mon informatique et avec mes safrans abimés au large du Portugal.

Dès le départ, j’ai posé un gros truc lourd sur l’écran de mon ordinateur : l’écran a complètement explosé, inutilisable. J’avais un ordinateur de rechange mais il y avait un bug énorme…il s’éteignait toutes les deux minutes. J’avais droit à deux minutes de vision de carto, je ne pouvais pas poser un waypoint, c’était galère.  J’avais quand même un GPS portable, donc, pas de difficulté majeure pour se situer. Donc, ce n’était pas vraiment une navigation à l’ancienne au sextant ! . J’ai fait un come back au large du Portugal mais je l’ai payé cher parce que j’ai tapé mon safran central.

Le temps que je m’en rende compte, mes drosses de direction de barre s’étaient déréglées. Au matin, mon bateau était devenu difficilement barrable… il y a tout de même un trou dans le flotteur qui entraine une gerbe d’eau. Surtout, je pense que j’ai passé beaucoup de temps à tenter d’avancer malgré tous ces petits pépins, mais du coup j’avais moins de temps pour faire de la météo et bien étudier ma route. C’est une somme de petites choses comme ça qui font que cette fois-ci je n’ai pas pu jouer réellement avec les bateaux de devant. C’était un peu frustrant, forcément.

Je trouve que cette édition a été dure : le départ avec la dégelée, petit temps plein-vent arrière avec l’obligation de tricoter comme des fous…ça donne des émotions tout ça ! Je pensais faire un podium, donc je ne suis pas particulièrement satisfait : mais c’est le sport, il faut accepter les contrariétés. Par contre, je suis content d’être allé au bout du truc. J’aurais été triste de devoir m’arrêter. Même en allant moins vite que j’aurai dû, j’ai tenté ma chance et je suis allé jusqu’au bout. »

 

Yann Eliès a franchi la ligne d’arrivée une heure plus tard,  le skipper du 70 pieds Paprec Recyclage a mis 9 jours 5 heures 48 minutes et 15 secondes pour boucler le parcours de 3 542 milles à la vitesse moyenne de 15,97 nœuds. Il a parcouru en réalité 4 538 milles à 20,46 nœuds de moyenne. L’écart au premier, Loïck Peyron, est de 1 jour 14 heures 39 minutes et 43 secondes.

Yann Eliès, skipper du Multi70 Paprec Recyclage :

« Ce fut une super bonne transat, je n’ai jamais été aussi rapide sur l’eau, avec pas mal d’engagement, pas mal d’ennuis aussi, mais au final je ne retiendrais que les bons moments, quand tu es à 30-35 nœuds, le bateau sur les foils et que ça fume de partout. C’est pour ces moments que tu fais la Route du Rhum, surtout en multicoque.

La mission est remplie, le bateau est là, je n’ai pas chaviré. Je n’étais pas loin d’accrocher le vieux briscard, Francis Joyon, ce qui aurais été la cerise sur le gâteau, mais il mérite cette place. C’est un bon dépucelage ! Ca pique les yeux des fois ! Les deux premiers jours c’était dur, il ne fallait pas que ca dure une journée de plus, parce que je ne pouvais plus. J’ai eu des pépins techniques, donc j’ai eu du mal à trouver le bon rythme au début. J’ai eu le sentiment que le dernier jour était le bon donc il faut que je revienne ! Il y a eu de l’intensité, je fais un meilleur temps que Groupama, il y a quatre temps avec un bateau plus petit, ça veut dire qu’on a tiré sur nos machines. J’aimerais bien revenir avec un beau bateau, bien préparé, dans de bonnes conditions. J’ai eu un bel accueil en mer des pêcheurs, des Saintois qui sont venus me rejoindre dans le canal des Saintes, je ne suis pas au bout de mes surprises, car il y a du monde ici ! Je vais maintenant débriefer avec les gars de mes choix, pour que tout le monde progresse et prendre un bon repos mérité. Même si ça été une année difficile pour moi parce qu’en terme de résultat sportif, elle n’a pas été au niveau mes espérances, mais émotionnellement, elle m’a procuré des trucs énormes entre la Solitaire du Figaro et cette transat. C’est aussi pour ça qu’on fait ce métier ! J’ai cru que c’était fait ce matin, je pensais rester devant. Mais c’est le tour de la Guadeloupe ! Il réserve toujours des surprises, ça ne se passe jamais comme prévu… Le plus beau moment, c’est en arrivant à Basse-Terre à 30 nœuds perché sur les foils avec une lumière magnifique… »

Sébastien Josse 3ème de la Route du Rhum, Lionel Lemonchois 4ème et SIdney Gavignet 5ème

Les arrivées se succèdent à Pointe à Pitre,  Sébastien Josse s’est emparé de la 3èm place hier puis Lionel Lemonchois et Sidney Gavignet ont bouclé leur traversée cette nuit avec un superbe finish.

© A.COURCOUX

Yann Guichard, skipper de Spindrift 2 :

« J’ai fait une belle course et je n’ai rien lâché du début à la fin. Il y a eu de la souffrance, je ne le cache mais j’ai réussi à tenir le rythme. Aujourd’hui, je suis ravi de terminer deuxième à Pointe-à-Pitre et d’être sur le podium avec Spindrift 2, juste derrière Loïck (Peyron) qui a réalisé une belle performance.


J’ai toujours cru que je pourrais être compétitif avec Spindrift 2, ce qui n’était pas le cas de tout le monde. Avec l’équipe nous l’avons modifié pour qu’il soit maniable en solitaire. Je l’ai prouvé et j’en suis très heureux et fier pour toute l’équipe qui a travaillé d’arrache pied pour concrétiser ce projet.
 


Au deuxième jour j’ai perdu l’un de mes deux pilotes automatiques et j’ai fait toute la course en me demandant si j’allais pouvoir finir. Sinon, j’ai vraiment eu très peu de problèmes techniques et c’est essentiel pour terminer sur le podium. C’est grâce à l’équipe technique qui a fait un super travail . Mes routeurs à terre, Erwan Israël et Richard Silvani, m’ont aussi soutenu au quotidien, même dans les coups durs, et je suis ravi de notre performance à tous.  
 


Cela a été une course incroyable avec une première nuit difficile et des virements de bord au près où j’ai slalomé entre les cargos et les pêcheurs dans 35 nœuds de vent, il y a eu pas mal de stress. J’ai perdu du terrain mais après j’ai pu allumer dans le Golfe de Gascogne et revenir dans le match. J’ai eu sinon deux moments chauds le long du Portugal où j’ai dû tout choquer en grand mais, mise à part ça, le bateau est resté hyper sain.

 Dans les manœuvres, je n’ai jamais poussé autant, je n’ai jamais été aussi loin. Mais quand après l’effort, le bateau accélère, c’est du pur bonheur. J’ai perdu quelques kilos mais je suis heureux d’être là et j’ai pris beaucoup de plaisir avec le bateau.
 


Les Guadeloupéens sont nombreux aujourd’hui et je sais qu’ils le sont pour le premier concurrent comme pour le dernier. Bravo à eux ! Si je reviendrai sur la course avec ce bateau ? C’est beaucoup trop tôt pour le dire. Je vais déjà savourer ce qui m’arrive avec mon équipe et récupérer car je n’ai pas dormi plus de 2 heures par jour et seulement par tranches de 10 minutes alors, là, je suis épuisé. J’ai aussi dû faire plus de 1 000 kilomètres sur mon vélo pendant cette Route du Rhum ! »

Dona Bertarelli, co-fondateur et skipper de Spindrift racing :
« Yann a fait une course à la hauteur de son talent. Au départ de Saint-Malo, avec les conditions météo annoncées, peu croyaient qu’il pouvait être compétitif et accrocher un podium. Cette 2ème place vient récompenser non seulement sa détermination mais sa conviction qu’il était possible pour un seul homme de mener Spindrift 2, le plus grand des multicoques de course au monde, conçu pour 14 équipiers. Cette réussite est le fruit du travail de toute une équipe et du soutien de nos partenaires, Mirabaud, Genes-x et Zenith. Je tiens à les remercier de nous avoir fait confiance. »

 

Cette nuit c’est donc Sébastien Josse qui a complété le podium et s’emparant de la troisième place sur son Multi 7O  Edmond de Rothschild, il aura mis 8 jours, 14 heures, 47 minutes et 9 secondes pour parcourir les 3 540 milles nautiques théoriques, il aura effectué réellement 4403 milles, à une vitesse moyenne de 21,29 nœuds. Sébastien Josse termine 23 heures 38 minutes et 37 secondes derrière le vainqueur.

Sébastien Josse, skipper du Multi70 Edmond de Rothschild :

« Le deux premiers jours, il a fallu faire le dos rond tout en gardant un peu de rythme. Il fallait trouver le bon dosage. Après, ce n’était que du bonheur. Quand on est dans les alizés, avec ces machines là, c’est exceptionnel. Sur le papier, on ne joue pas du tout dans la même cour avec les grands bateaux. Les bateaux de 40 m et 31 m sont logiquement devant. Je pense qu’ils n’ont pas trop forcé. Il réglait leur vitesse avec nous, les petites libellules de derrière. Il y a un côté sympa de sentir qu’on les a titillés un peu (…)

(…) Je suis plutôt surpris de mon état physique, parce qu’au début, je me disais que c’était trop dur de dormir sur un bateau comme ça. Je m’interdisais de dormir parce que je pensais que c’était trop dangereux. Mais la fatigue m’a rattrapée, je me suis mis à dormir au bout de trois jours. Quand le bateau est bien réglé, que l’on a le bon équilibre, ça se passe super bien. La fatigue que j’ai maintenant est liée au tour de l’île car j’ai beaucoup manœuvré

Le sentiment en mer était génial : tu es sur ton bolide, ta mobylette. Ce sont des oiseaux volants ces bateaux, au portant dans les alizés, rien ne peut décrire les sensations. La moindre vague, la moindre petite risée, le bateau s’emballe, mais finalement il faut le laisser vivre et lui faire confiance. Je ne me suis jamais senti en danger.
Cela fait trois ans que je navigue sur ce bateau, je m’entraîne 150 jours par an, j’ai la chance de faire ça. Du coup, j’ai des automatismes, parfois je suis plus à l’aise que les autres parce que j’ai beaucoup répété mes gammes.
Avec les deux premiers Ultime, il n’y a pas eu de régate. Derrière, nous nous sommes battu, nous avions un beau groupe où ça attaquait. »

© A.COURCOUX

 

Lionel Lemonchois sur Prince de Bretagne et Sidney Gavignet sur Musandam-Oman Sail ont offert un superbe finish pour la quatrième place, à l’approche de la Guadeloupe, Sidney Gavignet possédait un petit avantage d’une quinzaine de milles mais il s’est fait piéger par le dévent de la Soufrière et restait scotché alors que son adversaire tricotait dans une veine de vent près de la côte.

Le skipper de Prince de Bretagne décrochait donc cette quatrième place, une petite consolation après sa déception, le marin avait subi une dépression tropicale l’ayant très fortement ralenti pendant 48 heures et lui ayant fait perdre tout espoir de podium.

Il aura donc mis 8 jours 17 heures 44 minutes et 50 secondes pour boucler le parcours de 3542 milles à la vitesse moyenne de 16,89 nœuds. Il a parcouru en réalité 4 511 milles à 21,51 nœuds de moyenne. L’écart au premier, Loïck Peyron, est de 1 jour 2 heures 36 minutes et 18 secondes.

Lionel Lemonchois, skipper de Prince de Bretagne à son arrivée à Pointe à Pitre :

«  Oh là là, je ne tiens plus debout. Je ne voudrais pas être à la place de Sidney. Il ne m’a pas vu venir. Je suis passé à terre. Ce n’est pas la première fois que je passe par ici. Toute la course a été une belle bagarre. J’étais un peu dépité il y a deux jours quand je suis tombé dans cette espèce de tempête tropicale en formation. Je visais le podium…

J’aurais du faire plus de marquage, j’ai été trop ambitieux. Je visais la 2e place, j’y croyais.  Voilà… Le bateau a quelques petits bobos, mais il va bien. Il aurait mérité une meilleure place.  T’arrêtes pas sur ce bateau : tu tournes dans un sens, dans l’autre, tu ranges les bouts, tu les défaits, t’arrête pas. Dur ? Oui, par moment. Les deux premiers jours ont été un peu sport. Fallait pas que ça dure trop longtemps.

 J’ai l’impression d’avoir été dans le match. A part Loïck qui nous a fait son Loïck. Il a très bien navigué et a eu des passages à niveau qu’on n’a pas eus, comme lors du passage à Madère… ça s’est fermé pour nous derrière. Mais en moyenne, les vitesses étaient  assez comparables. C’était bien puissant cette course et la vitesse du bateau… au passage du cap Finisterre, je marchais à 42 nœuds dans les vagues… hallucinant, hallucinant.  C’est bon d’arriver, je suis content d’être là. J’ai digéré la déception et puis j’ai réussi à m’en refaire un sur la fin, ça remet le moral. 
Le rythme de vie ? J’ai rarement aussi peu dormi en une semaine. Je ne pense pas avoir dormi d’un vrai sommeil. J’ai fait des petits comas de 30 à 45 minutes. Il y avait du rythme, on se tirait la bourre. Arrivé à Madère, je n’avais pas encore trouvé le sommeil, ça me stressait.  J’étais trop pris par le truc, impossible de dormir. Là, je suis prêt à tomber… »

© A.COURCOUX

Sidney Gavignet a de son côté franchi la ligne d’arrivée de la 10e Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 8 jours 19 heures 15 minutes et 24 secondes à la vitesse moyenne de 16,77 nœuds. Il a parcouru en réalité 4 446 milles à 21,05 nœuds de moyenne. L’écart au premier, Loïck Peyron, est de 1 jour 4 heures 6 minutes et 52 secondes.

Sidney Gavignet, skipper du Multi 70 Musandam-Oman Sail :

« La mission est remplie ! Le bateau a tenu bon pendant toute la traversée, et n’a d’ailleurs subi aucune avarie, il était extrêmement bien préparé grâce à toute l’équipe technique d’Oman Sail. L’objectif principal qui était de rejoindre Pointe à Pitre est rempli et bien rempli, même si j’ai fait des erreurs sur la dernière partie. Je suis même arrivé la même nuit que Prince de Bretagne, qui fait 10 pieds de plus que Musandam-Oman Sail, et qu’Edmond de Rothschild, autre multi de 70 pieds qui a été largement modifié pour cette course. Je suis donc très fier d’avoir emmené les couleurs d’Oman de l’autre côté de l’Atlantique. C’est aussi très fort émotionnellement pour moi de revenir en Guadeloupe, car c’est ici que j’ai rencontré mon épouse il y a 23 ans, alors que j’étais en entrainement en vue de la Whitbread.

C’était une belle régate, on est allé vite. Mais je suis déçu, je ne vous le cache pas. J’ai fait 99% de mes erreurs dans les deux dernières heures de course, donc je les ai un peu velues. C’est quand même une très belle course avec de magnifiques bateaux. J’arrive,  je n’ai rien cassé, à part un pare-brise que j’ai laissé trop vertical et qui s’est fait fracassé par les vagues.

Les journées de portant c’était fabuleux. C’est chouette comme on arrive à dormir à 30 nœuds, quand on connaît bien la bestiole. Mais je ne ferais pas ça tous les jours ; je suis désolé, je voudrais exploser de joie, mais j’ai les boules, j’ai très mal navigué ces deux dernières heures. »

Bravo à Lionel Lemonchois, il a fait du beau travail, les conditions étaient vraiment compliquées sur l’arrivée en Guadeloupe, et j’ai fait pas mal d’erreurs avant de rejoindre la ligne. Bravo aussi à Seb Josse pour sa troisième place. Je me souviens particulièrement d’une nuit pendant laquelle j’étais dans le même axe que lui. Je comparais, chaque heure, nos positions, nos vitesses, et nous étions même plus rapides que les grands bateaux. Je savais que Sébastien, derrière son écran, calculait lui aussi les gains et les pertes. »

Classement Général Provisoire Classe Ultime au 11/11/14 à 09:30:00 CET

  1. Banque Populaire VII/Loick Peyron – en 7 jours, 15 heures, 8 minutes et 32 secondes
  2. Spindrift II/Yann Guichard – en 8 jours, 5 heures, 18 minutes et 46 secondes
  3. Edmond de Rothschild/Sébastien Josse – en 8 jours, 14 heures, 47 minutes et 9 secondes
  4. Prince de Bretagne/Lionel Lemonchois – en 8 jours 17 heures 44 minutes et 50 secondes
  5. Musandam-Oman Sail/Sidney Gavignet – en 8 jours 19 heures 15 minutes et 24 secondes
  6. Idec/Francis Joyon – toujours en course –
  7. Paprec Recyclage/Yann Eliès – toujours en course –

Le final s’annonce également haletant pour les deux derniers skippers en course, avec un petit avantage pour Yann Eliès à l’heure actuelle, le skipper de Paprec Recyclage étant pointé en tête à une dizaine de milles de Basse Terre (et 34 de la ligne d’arrivée).

Mais Francis Joyon n’est qu’à 1,4 mille du Multi 70, le skipper d’Idec Sport a choisi une route un peu plus à terre que son adversaire, à l’heure actuelle les deux marins progressent à toute petite vitesse, moins de 2 noeuds, dans les dévents de l’île.

Yann Guichard second de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe 2014

Yann Guichard, le skipper de Spindrift 2, est arrivé à Pointe à Pitre ce soir en seconde position de cette Route du Rhum 2014 à 19 heures 18 minutes et 46 secondes, 14 heures 10 minutes et 14 secondes derrière le vainqueur Loïck Peyron ( Maxi Banque Populaire VII).

Il aura mis 8 jours 5 heures 18 minutes et 46 secondes pour boucler le parcours théorique de 3542 milles à la vitesse moyenne de 17,95 nœuds, et il a réellement parcouru 4334 milles à la vitesse moyenne de 21, 96 nœuds. Il se classe 2e.

Il aura réussi l’exploit de traverser l’Atlantique en solitaire à bord du plus grand  et du plus puissant trimaran de course jamais construit (40 mètres, 18 tonnes).

Le podium sera complet dans quelques heures, avec l’arrivée de Sébastien Josse,  qui il reste moins de 100 milles à parcourir. Il s’agit là aussi d’un exploit puisque le skipper du Gitana Team concourt sur un MOD 70 modifié, soit les plus petits bateaux de la classe Ultime (70′, tout comme Musandam-Oman Sail, et Paprec Recyclage).

Antoine Koch, routeur de Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild) :

« Hier, nous avons décidé de continuer à attaquer plutôt que de contrôler Sidney Gavignet et de le suivre dans son empannage. Et ce matin, la situation était plutôt satisfaisante. Non seulement Sébastien a une nouvelle fois très bien navigué, ceci lui permettant de creuser légèrement l’écart avec ses poursuivants mais il a vraisemblablement eu un bord plus confortable qu’eux, avec moins de grains et d’instabilité et c’est ce que nous recherchions. La journée sera vraisemblablement composée d’un long tribord amure en direction de la Guadeloupe mais il faudra gérer les petites oscillations du vent et peut-être opérer quelques recalages si les bascules sont importantes.

Avec une ETA à la Tête à l’Anglais à 1h (heure française) la nuit prochaine, Sébastien a toutes les chances de connaître des conditions similaires à celle rencontrées par Loïck, c’est à dire un passage peu venté sous le vent de l’île au niveau de la Soufrière. Car, comme attendu, Loïck a été vraiment ralenti sur une dizaine de milles entre le volcan et la bouée de Basse-Terre. C’est clairement le passage le plus compliqué à négocier » .

© Yvan Zedda/Gitana S.A.

La place de 4ème restera quant à elle disputée jusqu’au bout.

Lionel Lemonchois qui a retrouvé du vent plus régulier depuis le début de journée espère toujours accrocher la 4ème place qu’il se dispute désormais avec Sidney Gavignet (Musandam Oman Sail), une vingtaine de milles séparent les deux marins solitaires avec l’avantage du côté du MOD 70 pour l’instant.

Malgré tout, Sidney Gavignet devra enchainer deux empannages pour parer la tête à l’Anglais et entamer le tour de la Guadeloupe alors que Lionel Lemonchois aura une route directe jusqu’à cette marque de parcours.

 

Pour le team Prince de Bretagne :

« Des grains, prémices de cette dépression tropicale, se sont formés juste derrière Lionel et l’ont rattrapé. Voilà ce qui a parasité l’alizé autour de lui . La situation s’est améliorée pour Lionel entre 8 et 9 heures, ce qui lui permet d’afficher des vitesses identiques à celles des autres mais aussi et surtout d’avoir une stratégie, ce qui était quasiment impossible ces deux derniers jours, la faute aux conditions très aléatoires dans sa zone de navigation ».

« Lionel arrive par le nord et est maintenant sur la lay-line, ce qui signifie qu’il n’aura plus d’empannage à faire. De son côté, Sidney déboule par le sud et va devoir effectuer un contre-bord en plaçant ses empannages au bon endroit. Cela étant, il est très difficile de savoir qui de l’un ou de l’autre va finalement prendre l’avantage d’ici à la Tête à l’Anglais puisque tout va dépendre des fluctuations qu’il va y avoir entre leurs positions respectives actuelles et la Guadeloupe. Ce qui est certain, c’est que chacun va se battre pour aller le plus vite possible et prendre l’avantage avant d’entamer le tour de l’île »,

Lionel Lemonchois, skipper du Multi 80 Prince de Bretagne :

« On verra bien comment ça va se passer. On le sait par expérience, dans les derniers 50 milles du parcours, tous les scénarii sont possibles.

Il (Loïck Peyronà était le super favori au départ. Sa première place n’est pas vraiment une surprise. Les records sont faits pour être battus. Celui-ci est tombé plus vite que ce que l’on pressentait puisqu’il n’aura finalement tenu qu’une seule édition. Cela est la preuve que les bateaux et les hommes progressent mais aussi que Loïck a enchainé tous les passages à niveaux sans encombre, ce qui n’a pas été le cas des autres. Que se soit Yann Guichard, moi ou les autres, nous nous sommes faits enfermés régulièrement pendant que lui a réalisé un dernier bord tout droit de quasiment 900 milles. Les courses au large sont ainsi faites. Il faut que tout s’enchaîne parfaitement et pour lui, cela a été le cas du début à la fin. C’est une victoire bien méritée. Bravo à lui et à son équipe ».

Jean-François Cuzon, routeur de Sidney Gavignet (Musandam Oman Sail) :

« Nous avons ajusté la route en effectuant un recalage cette nuit, pour essayer de se rapprocher de la position de Prince de Bretagne dans des vents favorables d’Ouest, puis nous avons redivergé, avec d’un côté Prince de Bretagne au Nord-Ouest et nous qui faisons route au Sud-Sud-Est pour suivre notre stratégie, nous verrons ce que cela va donner.

Nous savons que le passage dans le Nord-Est de l’île dans les zones de concentration de pêche, qui sont des zones où l’on trouve de nombreux dispositifs avec des bouées, sera délicat, sachant que beaucoup sont aussi non identifiés, donc non positionnés sur une carte. Sidney va arriver dans cette zone en fin de journée heure locale, et il va falloir gérer le passage extérieur pour éviter le slalom entre ces dispositifs de pêche, sachant que de se prendre dans une de ces bouées serait catastrophique. Puis ce sera la tour de la Guadeloupe de nuit, dans un alizé qui sera de moins en moins fort et très perturbé sur la partie Ouest de l’île où l’on peut avoir de gros rebondissements.

C’est un peu la journée de tous les dangers car cela change tout le temps. Par exemple en ce moment il est dans un grain avec 26 nœuds et le bateau fait des pointes à 32 nœuds de vitesse. Il y a 30 minutes, il avait 10 nœuds de vent et le bateau avançait à 14-15 nœuds, donc cela illustre parfaitement ce qui se passe : ce n’est pas une navigation facile qui glisse et où l’on peut se reposer, c’est usant pour le skipper d’être dans des zones comme ça car il ne peut jamais se relâcher et dormir un peu plus sereinement.

L’ETA n’est pas facile à évaluer mais ce sera dans la matinée de mardi, probablement à partir de 08h00 heure locale, tout va dépendre du temps que Sidney va prendre entre la tête à l’Anglais, (marque de passage obligatoire à laisser à bâbord où il devrait arriver vers minuit heure locale ce soir, soit 05h00 CET), et le contournement de la Guadeloupe jusqu’à l’arrivée (Loïck Peyron a mis six heures, avec des passages où il a été complètement arrêté au large de Basse Terre). Je vais donc maintenant préparer le tour de l’île dans les détails ! »

© Llyod Images / Oman Sail

Les deux derniers de la classe Ultime, Francis Joyon sur Idec Sport et Yann Eliès sur Paprec Recyclage en termineront mardi, leurs positions devraient rester en l’état à savoir la 6ème place pour Francis Joyon et la 7ème pour Yann Eliès.

A noter que Francis Joyon a du s’acquitter d’une pénalité de deux heures dans l’après midi pour avoir « mordu » le DST de Ouessant, ceci suite à une panne d’électronique, le skipper naviguant alors à « l’ancienne » avec une carte papier, ce qui explique cette petite erreur avec un multicoque filant à plus de 20 noeuds.

Route du Rhum : Loïck Peyron attendu demain en vainqueur

Loïck Peyron est attendu au petit matin (heure de Paris, 22h30 heure locale) en Guadeloupe, il navigue à 180 milles de l’île avec une confortable avance de 240 milles sur le second Yann Guichard sur Spindrift 2. Le baulois devrait profiter des thermiques nocturnes et finir « tranquillement » sa course cette nuit, il est probable qu’il soit nécessaire de faire deux empannages pour se recaler sur la route de la Tête à l’Anglais.

Loïck Peyron, skipper de Banque Populaire VII :

« Demain à la même heure (5h00 heure française), cela sentira le cocotier, la terre et l’humidité. Cette nuit, c’était irrégulier avec des grains. Je vais devoir slalomer avec tous les filets de pêche, il faudra manœuvrer de nuit. Sinon ça va à peu près, notre ami Yann (Guichard) derrière est un peu ralenti. C’est de la gestion tranquille du coup. J’ai failli empanner tout à l’heure à la faveur de petits refus mais finalement non. Mais il restera deux empannages à faire avant la Guadeloupe. Il y aura des changements de voiles, là je suis sous gennaker. Il y a aussi le tour de la Guadeloupe, on ne sait jamais comment ça marche mais je trouve que la nuit c’est mieux : c’est donc pas plus mal d’atterrir à ce moment-là. Il y aura moins de monde, ce sera plus agréable et plus efficace. Il n’y a pas de raison de se faire mal dans le canal des Saintes, mais c’est vrai que refaire du près après quelques jours de portant c’est assez étonnant ! »

La tâche risque d’être plus difficile pour Yann Guichard, qui fera tout pour conserver sa place de second, malgré tout, le skipper du maxi trimaran de 40m pourrait être menacé par le retour de Sébastien Josse sur son « petit » trimaran de 21 mètre qui ne pointe qu’é 170 milles. En effet,  Spindrift 2 abordera la Guadeloupe de jour, avec un régime de brise volage sous le vent de l’île et pouvant être très perturbé par le relief de la Soufrière, le Multi 70 sera beaucoup plus évolutif et plus rapide dans ces petits airs, et nettement plus facile sur les manoeuvres qui seront nécessaires au contournement de l’île.

Erwan Israël, routeur de Yann Guichard sur Spindrift 2 :

“Cette nuit, après les grains, Spindrift 2 a été ralenti dans une zone de vent faible où l’alizé a chuté autour des 10 nœuds pendant quelques heures, Yann a peu dormi pour pouvoir se sortir d’une situation encore très instable, maintenant la distance avec ses deux poursuivants, Lionel Lemonchois et Sébastien Josse. Le vent s’est ensuite de nouveau bien établi autour des 17-18 nœuds et Spindrift 2 a retrouvé de bonnes vitesses moyennes. Nous allons demander à Yann d’empanner avant d’aborder la Tête à l’Anglais qu’il atteindra lundi aux aurores là-bas, c’est-à-dire plus ou moins à la mi-journée en France. Ensuite, à distance avec Richard (Silvani, Météo France), nous serons finalement un peu en retrait car ce sera surtout les observations sur place qui permettront à Yann de s’adapter au mieux aux conditions. Bonne nouvelle, l’alizé devrait être d’une quinzaine de nœuds dans le canal des Saintes, ce qui serait de bonnes conditions pour Spindrift 2.”

Le grand perdant de cette dernière journée de course aura sans conteste été Lionel Lemonchois sur Prince de Bretagne, qui était situé sur une route plus nord que ses poursuivants (principalement Sébastien Josse sur Groupe Edmond de Rothschild, dans une moindre mesure Sidney Gavignet sur Musandam Oman Sail). Il aura été obligé de multiplié les empannages dans une zone de grains, comme il l’explique : « Je me suis retrouvé dans une zone assez active. J’ai même dû faire du près pendant deux heures, ce qui m’a contraint à effectuer pas mal de manœuvres pour passer du gennaker au solent, et inversement.  »

Séb Josse a donc repris la troisième place et Lionel Lemonchois reste très menacé par Sidney Gavignet qui ne pointe qu’à 20 milles de plus par rapport au but, et qui progresse plus vite (24 noeuds contre 10).

Antoine Koch, routeur de Sébastien Josse sur Groupe Edmond de Rothschild :

« Ca glisse très bien depuis hier. Je n’ai pas eu Sébastien cette nuit au téléphone, ce qui est plutôt bon signe ! Cela signifie que tout se déroule comme prévu. Sa trace des dernières heures est parfaitement rectiligne et je pense qu’ils ont eu – avec Sidney Gavignet – un vent plutôt régulier et une nuit sans grains ; une situation plus stable que leurs concurrents de l’Ouest. A regarder la trajectoire de Lionel Lemonchois, on constate qu’il a réussi à faire un très bon cap toute la nuit mais il a dû manœuvrer beaucoup sous des grains certainement. C’est de la fatigue en plus et donc une prise de risque plus importante. Mais Lionel reste pour l’heure le mieux positionné pour les derniers milles. En effet, il faut se baser sur le décalage latéral pour connaître la distance réelle séparant les deux bateaux et non sur les nombres de milles restant à parcourir.  »

© Yvan Zedda/Gitana S.A.

L’issue reste très incertaine pour ce trio, si Prince de Bretagne retrouve un vent plus fort et établi, il aura moins de manoeuvres que ses adversaires situés plus au sud.

Francis Joyon sur Idec Sport et Yann Eliès sur Paprec Recyclage devront probablement se contenter des places de 6 et 7èmes.

ETA lundi matin pour Loick Peyron

Il reste désormais moins de 850 milles à parcourir pour Loick Peyron avant l’arrivée en Guadeloupe, le baulois doit maintenant gérer son avance sur son plus proche poursuivant Yann Guichard sur Spindrift 2, pointé à 200 milles à 18h.
Les deux skippers ont empanné la nuit dernière, ils font désormais route directe vers les Antilles, sauf soucis technique la victoire semble presque acquise pour Loick Peyron, qui aura l’avantage sur le contournement de la Guadeloupe, avec un trimaran plus « facile » physiquement et plus maniable que celui de son adversaire direct.

Malgré tout les poursuivants n’abdiquent pas, notamment Lionel Lemonchois sur Prince de Bretagne, et Sébastien Josse sur Edmond de Rotshcild, les deux marins sont à respectivement 347 et 383 milles du leader et donc à environ 150 milles de Spindrift. Ils vont devoir enchainer plusiseurs empannages avant l’arrivée et espère des conditions molles sur l’arrivée pour espérer la 2nde place occupée par Yann Guichard. Séb Josse a pu réduire quelque peu son retard sur Lemonchois puisque celui-ci a mis à la cape 1h30 afin de régler, semble-t-il des soucis d’électronique et de pilotes automatiques.

Derrière les positions ne sont pas non plus figées avec Francis Joyon et Sidney Gavignet qui vont se battre pour la 5ème place, en queue de peloton, Yann Eliès a pour sa part un safran abimé suite à un choc avec un OFNI.

 

Loïck  Peyron, skipper de Banque Populaire VII :
 » Je suis sous pilote 90 % du temps, et je fais mon petit tour du bateau pour régler les voiles, afin de descendre le plus bas possible dans le lit du vent, pour éviter de multiplier les empannages. Ce bateau est hallucinant de puissance… En 60 pieds, on n’avait jamais cette aisance. La largeur donne un confort et un sentiment de sécurité à la barre incomparable. Cette nuit, le bateau est monté sur un patin. C’est joli et cela apporte un peu de silence. En ce qui me concerne et en toute modestie, je parviens à gérer les situations compliquées sur ces gros bateaux. Je suis parti dimanche dernier dans l’inconnue sur le plan physique, et je ne connais aucun souci particulier. Je m’amuse même beaucoup à fournir quelques efforts lors de manoeuvres un peu tordues…  On papote tranquillement avec Marcel et Armel. Il nous reste deux empannages à exécuter et il faut les caler au bon moment.
Il faudra aussi négocier la traversée d’une zone de pêche dans l’est de la Guadeloupe, à proximité d’Antigua, avec de nombreux filets dérivants. Ce sera une approche délicate car si on en connait la position de la plupart de ces flottilles de pêche, il demeure de nombreuses inconnues. Il faut faire gaffe. Il est un peu tôt pour parler ETA,  (Estimated Time of Arrival ndlr), lundi dans la matinée, très tôt en heure locale peut-être. Je ne pense pas du tout au record. Je n’ai aucune idée de l’échéance, et cela ne fait pas partie de mes préoccupations…« 

© BPCE

Yann Guichard, skipper de Spindrift 2 :

« Les alizés que nous avons sont des vents instables : je suis passé de 15 à 0 nœuds en 30 secondes au petit matin. Je me suis pris le gennaker et la grand-voile à contre donc j’essaye de remettre tout ça en place pour repartir dans le bon sens. C’est vrai que l’alizé est faible et il y a pas  mal de zones orageuses et de zones sans vent. Demain j’espère que ce sera plus stable. C’est très bien car on pourra un peu se reposer. Il faut faire attention car avec la moindre rafale qui arrive, c’est compliqué avec un bateau comme Spindrift. Il peut être vite déséquilibré et ce n’est pas facile de bien régler le pilote. J’ai pris un ris : c’était chaud dans la nuit. On essaye de garder de la toile mais ce n’est pas suffisant. Je n’ai pas pu bien dormir car il fallait que je sois à la barre. Belle lune qui illumine et pour les manœuvres, c’est bien… Les grains ne sont pas très actifs, on ne les voit pas au radar mais on les devine grâce à la lune. Je suis fatigué mais je n’ai pas de bobo à déplorer. Tout va bien. C’est sûr que physiquement c’est dur. Encore deux jours de mer : il n’en faudrait pas cinq ! Je serai fatigué mais heureux d’arriver. »

 

Francis Joyon, skipper d’Idec Sport :

« J’ai pas mal de petites contrariétés au niveau de l’entretien du bateau et du matériel. Mais bon j’arrive à résoudre les problèmes et le bateau continue à avancer à bonne vitesse donc ça va »

 

Yann Eliès, skipper du Multi 70 Paprec Recyclage :

« Ces six premiers jours, j’ai manqué un peu de réussite parce que je pense que les avaries techniques que j’ai eues sont tombées au pire moment en termes de météo. J’ai donc un petit peu de frustration de n’avoir pu jouer au contact du groupe des quatre qui sont devant moi. Dans le même temps, j’ai le sentiment de vivre une expérience exceptionnelle. Traverser l’Atlantique sur ces bateaux là, faire des runs à la barre à 32 noeuds quand le bateau vole sur ses foils, c’est magique.
Hier, j’étais à l’attaque car les conditions étaient parfaites. J’étais un peu comme un gamin les doigts dans un pot de Nutella et je me disais ‘chic, chic, chic : à moi les runs à plus de 30 noeuds dans les alizés’. J’en ai bien profité et j’ai bien fait d’ailleurs car après la mer s’est formée et il a fallu revenir en mode ‘prudent’. C’est pour ces moments de plaisirs purs que l’on fait ce métier, pour ces instants de récompense.
Le skipper a par ailleurs heurté un OFNI qui est venu taper le safran provoquant un début de délaminage, le skipper à propos de cet incident :
« Quand ça arrive, tu te dis que ce n’est pas grave. Mais on sait très bien que ça va forcement se dégrader. J’ai regardé ce matin : l’état du safran se détériore mais Paprec Recyclage reste ‘barrable’. Je pense néanmoins qu’il est préférable de ne pas monter sur une coque et d’avoir toujours le safran central dans l’eau. Je suis sous pilote, j’essaye de ne pas trop attaquer sur ce bord là pour en garder sous le pied pour le dernier bâbord qui va m’emmener vers la Guadeloupe, le beau bâbord que les routeurs vont me trouver… »
Antoine Koch, routeur de Sébastien Josse sur Groupe Edmond de Rothschild :
« Si ils souhaitent conserver de la pression et exploiter leur bateau au maximum de leur potentiel, ils doivent empanner pour rester dans une veine de vent relativement stable  En théorie c’est simple, mais sur l’eau c’est beaucoup de travail d’autant que les grains qui s’invitent sur leur route ne facilitent pas les choses» expliquait le routeur du Multi70 Edmond de Rothschild avant de compléter : « Sébastien peut souvent paraître moins rapide que Lionel ou ses poursuivants mais globalement, ils n’ont pas la même manière de naviguer. Il est un peu moins rapide mais surtout plus bas en termes de cap. Ce qui en VMG (vitesse de rapprochement au but, ndlr) est assez équivalent à Prince de Bretagne et mieux que ses poursuivants. Cela reflète parfaitement la manière de naviguer de Sébastien. Il aime que ça glisse et mener le bateau en douceur.
L’alizé est un peu perturbé avec des grains qui se promènent sur la route. Cela donne un vent instable et variable en force et parfois en direction, sous les grains notamment. Il ne s’agit peut-être que de quelques nœuds mais à bord, en termes de réglages et de pilotage, cela fait une grande différence quand on a toute la toile de sortie (pour mémoire les Ultimes naviguent vent arrière grand voile haute gennaker). Avec 15 nœuds de vent, c’est tranquille. Avec 18 déjà il faut être plus attentif car, dans les risées, les trimarans commencent à lever la patte. Et avec 22, ce n’est plus du tout le même jeu. La tension monte d’un cran … Dans les risées, le bateau accélère fort et s’emballe. Les réglages sont alors nombreux pour gérer la puissance de la  machine.»

Route du Rhum J4, Peyron accroit son avance

Loick Peyron continue à creuser son avance sur ses adversaires en ce quatrième jour de course, seul Yann Guichard a réussi à limiter la casse avec un retard de 170 milles sur le solide leader. Plus en arrière, la bonne opération du jour est pour Lionel Lemonchois, troisième, qui a poussé un peu plus sud que ces adversaires, ce qui lui a permis de reprendre l’avantage sur ses poursuivants, avec un matelas d’une centaine de milles sur le quatrième, Sébastien Josse.

Francis Joyon et le reste de la flotte n’ont pas réussi à toucher le même flux que les bateaux plus en avant, Sidney Gavignet a presque raccroché le trimaran rouge avec 30 milles de retard. Yann Eliès tente sa chance sur une route sud, à 600 milles du leader.

 

Loïck Peyron, skipper de Banque Populaire VII, leader :

« On est à la recherche des alizés perdus… J’ai passé une nuit compliquée dans des grains, de la pluie, du vent, pas de vent, il y a eu du travail, c’était laborieux mais magnifique… C’est agréable, la journée est ensoleillée et la nuit éclairée par la lune… Le soleil se lève depuis une heure et ça commence à taper. Les journées sont chaudes. La ligne de grains est derrière moi, c’est impressionnant. On est en train de contourner cette petite bulle. Tout ce qu’on peut mettre comme voile on la met. Mon camarade Yann n’a pas été ralenti cette nuit  et j’ai une pensée pour lui qui doit manœuvrer son gros bateau. De mon côté, je n’ai pas empanné depuis Madère. Je suis en tête mais les jeux ne sont pas fait du tout. Mais c’est sûr, c’est agréable d’être dans ma position. Mener tout seul ce gros bébé, c’est vraiment impressionnant. Je vais bien, voire même très bien. Je ne rechigne pas à la manœuvre. J’ai trop mangé hier, je vais faire diète aujourd’hui, et essayer de faire la sieste. Dès que j’ai 30 secondes, je vais au lit. Et je vais essayer de vous envoyer une photos ou deux. »

Yann Guichard, skipper de Spindrift 2, second :

« Nous avons peu manœuvré ces dernières heures et j’ai pu me reposer. Sincèrement, je n’imaginais pas que ce serait aussi difficile physiquement. Maintenant que nous sommes dans l’alizé, il va falloir faire les bons choix de trajectoires avec mes routeurs pour limiter les manœuvres et me permettre de tenir jusqu’au bout. Loïck s’est échappé, c’est vrai, mais j’ai réussi à bien me sortir de la zone de calme et mieux que mes proches adversaires.  J’avance dans un vent de 12 à 20 nœuds. Le bateau glisse bien dans une mer à 25 degrés, sous un grand soleil et un ciel d’alizé avec de petits cumulus.»

 

Lionel Lemonchois, skipper de Prince de Bretagne, troisième :

« Le petit bord dans le sud réalisé hier s’est révélé franchement pas mal. Avant d’y aller, j’avoue avoir un peu hésité car ce n’est pas facile de se décider de naviguer avec des angles très fermés. Il se trouve que j’ai bien fait. Je suis content. J’ai joué avec ce que j’avais sur l’eau et pas avec ce qu’il y avait sur les cartes. Comme la molle descendait du nord, je me suis dit que pour me sortir de là, je n’avais pas le choix : il fallait que je tente un truc au sud. C’est bien que ça ait payé car depuis le départ, les conditions sont toujours plus faciles pour ceux qui sont devant. Grâce à cette petite option, je reste dans le même jeu que Banque Populaire et Spindrift. Ce matin, sur les « pos reports », j’étais d’ailleurs un peu plus rapide qu’eux. Le vent a bien changé. Il est plus nord que prévu et cela me permet de descendre. Plus je vais au sud, plus j’ai de chances de toucher des alizés propres. Aujourd’hui, je ne devrais pas avoir d’empannage à effectuer. Les routages ne m’en prévoient d’ailleurs qu’un seul d’ici à l’arrivée à la Tête à l’Anglais, mais en réalité, c’est difficile de dire combien je vais avoir à en faire puisque, depuis hier, les conditions que j’ai sur l’eau ne sont pas conformes aux fichiers. En attendant, j’essaie de faire marcher la machine au mieux. Là, j’ai entre 17 et 22 nœuds de vent. Ca varie en fonction des nuages et des grains. Par ailleurs, je suis satisfait parce que j’ai enfin réussi à trouver le sommeil alors que depuis le départ, je n’y arrivais pas et cela avait tendance à me stresser un peu. C’est vrai que le début de course a été difficile, mais c’est souvent ça une transat : on en chie pendant deux ou trois jours et ensuite ça s’arrange. A présent, la mer est rangée et je devrais trouver des alizés plus réguliers très prochainement ». 

Sébastien Josse, skipper du Multi 70 Edmond de Rothschild, quatrième :

«  Autour de moi, le décor a bien changé. La nuit dernière, j’étais sous les grains avec de la pluie et un vent quasi absent. Alors que maintenant, le vent est enfin rentré et j’avance dans le bon sens, direction la Guadeloupe. Le bateau glisse bien et c’est une autre course qui démarre. C’est grand ciel bleu, la mer est ordonnée et les températures sont déjà bien plus sympathiques avec 23° à 25°C. Mais ça va vite donc le ciré est encore de rigueur. Ce matin, j’ai pu me changer et faire un brin de toilette … la première depuis le départ.»

 

Sidney Gavignet, skipper du multi 70 Musandam Oman Sail, sixième :

« (…) Cette nuit mon bras était assez douloureux, je dormais la tête en bas pour aider au drainage, pas facile de retrouver ses repères quand je me réveillais pour réagir à une hausse de vent. A chaque réveil, je gardais le bras en l’air. Puis en fin de nuit, je me suis pris un petit bout de gingembre confit. Ça envoie encore plus que le camembert Président ! Après l’empannage de ce matin, il est clair que les choses s’arrangent, comme si le Gingembre avait fait sauter un barrage dans un vaisseau et que le processus de drainage était enfin lancé. On verra !
7 nœuds ce n’est pas grand-chose et ce n’est pas pour rassurer un marin qui n’a pas envie de se faire larguer par le reste de la troupe. Yann et son Paprec font le tour de la paroisse ? A fond de balle, Lionel et son Prince se sont déjà fait la malle. J’espère ne pas être le dernier couillon à rester profiter de ces petits airs.

Quoi qu’il en soit, je ne vais pas me plaindre, j’aurais pu naître Kurde ou Syrien, je ne serais pas ici à me dorer la pilule. J’ai eu un peu de retour sur les déboires de mes camarades, je viens de lire le communiqué de Jérémie Beyou, il en bave. J’ai aussi une pensée pour Seb Rogues qui aura presque tout gagné sur son Class 40 et pour Thomas évidement. J’étais tout proche de lui quand l’accident est arriv’, je n’ose imaginer la peur que ce doit être au moment du choc !!!A tous : tenez bon les gars, la vie continue, il suffit de la regarder avec la bonne oeil pour voir comme elle est belle. Je ne sais pas si ça suffit de la regarder avec le bon oeil mais ça aide. »

Yann  Eliès, skipper du Multi 70 Paprec Recyclage, septième :

«  C’est la première fois depuis le départ que je me sens en aussi grande forme. J’essaye d’attraper les alizés mais ce n’est pas encore ça. Avec mes routeurs, on a le sentiment d’avoir navigué comme on le voulait hier, d’être allé où on voulait et ça a payé. J’ai fait pas mal de petites siestes et plusieurs fois au réveil, je mettais 1 à 2 minutes à réaliser où j’étais, ce que je faisais là. Ça veut dire que j’étais vraiment allé dans le dur et ça ne m’arrive pas souvent. Ça y est, il fait beau, les embruns sont chauds. Je suis passé en ciré car il y a encore de l’humidité mais c’est beaucoup plus agréable. Hier soir après l’empannage, je me suis changé. Je n’avais pas encore enlevé ma sèche depuis le départ. Ça a fait du bien d’être propre même si le lavage à la lingette n’est pas ce qu’il y a de mieux (…)  Je mange super bien.  Il faut d’ailleurs que je vois avec les routeurs combien de temps va durer la plaisanterie car je mange comme un gourmand depuis 24 heures. Mais pour l’instant c’est parfait, j’ai suffisamment de beurre et de pain ! J’ai cuisiné les bananes avec une tablette de chocolat. Je fais mon célibataire, je me fais des petits plats que je mange dans la casserole en léchant le fond avec les doigts. »

Route du Rhum J3, avantage Peyron

Loïck Peyron a réussi à prendre l’avantage sur ses poursuivants cette nuit, au passage de Madère.

Le skipper de Banque Populaire VII a touché une brise plus soutenue à l’ouest, il a pu renvoyer la toile plus tôt et creuser une belle avance qui se porte désormais à 150 milles sur Spindrift 2. Les autre Ultimes n’ont pas pu accrocher ce wagon de l’alizé et vont fortement ralentir dans cette zone de hautes pressions, comme l’explique Antoine Koch, le routeur du Multi 70 Edmond de Rothschild : « L’anticyclone des Açores est attaqué par un front froid associé à une grosse dépression qui passe dans le Nord. Ce phénomène a tendance à fragiliser l’anticyclone et a pour conséquence que la zone de hautes pressions s’étale vers l’Est plus qu’à son habitude et donc bloque un peu le passage vers les alizés. Sébastien est dans un flux de Nord d’une douzaine de nœuds. Mais c’est assez instable en force et en direction. Exception faite de Banque Populaire, qui du fait de sa position plus Sud en pointe, va s’en sortir bien mieux que ses poursuivants – il continuera d’avancer à 25 nœuds quand derrière ils seront entre 10 et 15 nœuds –  les Ultimes vont connaître un coup de frein tout au long de la journée et plus particulièrement dans l’après-midi.  Une fois dans l’alizé, il y aura beaucoup de travail. Ca ne sera pas tout droit. Les routages semblent s’accorder sur de nombreux empannages à gérer pour garder la pression tout au long de la traversée vers les Antilles. La flotte devrait naviguer vent arrière et dans cette configuration le fait d’avoir un bateau léger sera un avantage»

Spindrift 2 est donc second, le skipper Yann Guichard semble fatigué par les manoeuvres très longues et physiques sur son trimaran de 40m, il pointe à 150 milles du leader, derrière trois bateaux sont assez groupés en terme de distance au leader, Prince de Bretagne, Edmond de Rothschild et Idec Sport qui se tiennent en 20 milles, 200 milles derrière Banque Popualire VII.

Les deux autres multis 70 de Sidney Gavignet et Yann Eliès accusent un retard de 250 à 300 milles.

 

 

Loïck Peyron, leader, skipper de Banque populaire VII :

« Mes collègues de bureau sont coincés dans une ondulation de l’anticyclone où on est passé in extremis. Les premières 48 heures ont été éprouvantes, pour le bonhomme et pour le bateau. J’ai essayé de faire ma première sieste hier matin, mais il m’est difficile de dormir quand le bateau tape à 30 nœuds. Je dors depuis par petites tranches de 10 minutes. On a bien visé le bas de cette barrière anticyclonique avec Marcel et Armel cette nuit. On voyait ces petits phénomènes et on a plongé sud juste à temps pour se glisser en dessous et toucher l’alizé. C’est passé in extremis. Il peut encore arriver de nombreux imprévus, car tout peut se passer sur l’eau. Côté bonne nouvelle, la météo semble bien organisée, sans mauvaise surprise. Côté mauvaise nouvelle et sur un plan plus personnel, je vais avoir l’obligation d’enchaîner les empannages, soit de bonnes séances de « muscu » à venir, sur une belle salle de sport avec vue sur mer. On commence dès ce soir, avec hissage du grand gennaker. J’ai fait des « checks » dans tous les coins. Je m’organise comme un jeune célibataire dans son petit studio. C’est la bagarre, et je n’ai pas lâché. Il fallait attaquer au bon moment et j’ai barré énormément, surtout de nuit, de longues heures à la barre très fatigantes. Je me suis d’ailleurs endormi, suis tombé et ai provoqué une belle embardée du bateau qui est monté très haut sur l’eau. On est dans l’alizé, en bordure anticyclonique et il fait bien meilleur. J’ouvre les hublots pour aérer, et je tiens mes fruits au frais. J’attaque plus que jamais ; c’est le moment idéal pour le faire, « breaker »  pendant que mes adversaires sont ralentis… 10% d’avance par rapport à la route à parcourir ce soir serait parfait. »

© T.Martinez/BPCE

 

Lionel Lemonchois, skipper du multi 80′ Prince de Bretagne :

« La nuit a été délicate. J’ai passé mon temps à manœuvrer car c’était très instable. Ca passait allégrement de 20 à 40 nœuds. Heureusement, depuis le lever du jour, ça va beaucoup mieux. Du coup, je vais pouvoir engranger un peu de sommeil et ainsi recharger les batteries. J’essaie de viser Yann Guichard (Spindrift 2). Son bateau est très grand mais aussi très lourd et si ça reste un peu mou, j’ai une chance de me rapprocher de lui.»

© Marcel Mochet

Francis Joyon, skipper d’Idec Sport, qui est privé d’une grosse partie de son informatique :

« Alors côté informatique le petit ordinateur portable est mort, l’ordinateur numéro un ne tient allumé qu’une seule minute et le troisième et dernier refuse catégoriquement de s’allumer. C’est pas terrible, mais j’arrive tout de même à apercevoir de temps en temps un fichier de vent ou un mail de mon routeur Jean-Yves Bernot. Je fais avec. Je ne sais pas trop où j’en suis par rapport à eux (ses adversaires). Je n’ai vu personne depuis la sortie de Manche..

Je trouvais le bateau très dur à barrer, c’était un peu dangereux… et je me suis aperçu qu’un petit camembert en bois retenant un lashing (cordage de fixation) du safran avait cassé. Du coup, le safran était partiellement relevé vers l’arrière et le bateau devenait très difficile à contrôler. A 30 nœuds, ce n’était pas génial… mais bon je me suis débrouillé en bricolant avec des boutes. Là aussi – j’ose à peine dire le mot – c’est un peu artisanal comme réparation, mais on dirait que ça tient.

Le début de course a été vraiment très brutal, mais là depuis Madère (déjà dans le sillage !) c’est un peu mollasson : on a une quinzaine de nœuds de vent de nord et on nous annonce une molle encore dans la journée. Au moins ça nous change parce qu’hier j’ai encore vu le vent passer de 10 à 43 nœuds en moins d’une minute… ce qui est un peu compliqué à gérer en multicoque.

J’ai dormi par tranches de quelques secondes ce matin, ça me suffit pour récupérer et je vais bien. En revanche, je n’ai pas encore pris le moindre repas chaud, je me suis contenté de quelques barres de céréales depuis le départ.. Ce n’est pas très diététique

Il faudra probablement tricoter quelques empannages pour rejoindre les alizés. Ce ne sera pas un grand tout droit.. »

 

Yann Eliès, skipper du Multi 70 Paprec Recyclage :

« J’ai rarement eu une nuit aussi difficile que ça avec les problèmes et la fatigue accumulée. Je pense que j’ai touché le fond la nuit dernière. Maintenant, objectif la surface ! »

« Vers 18h hier soir, j’ai eu des problèmes électroniques à bord qui m’ont obligé à ralentir. J’ai perdu deux heures à naviguer en mode compas et à bricoler à l’intérieur pour trouver d’où cela venait. Une déferlante a arraché ma casquette tribord (pare-brise qui protège le poste de barre des embruns), j’ai dû refixer un bas hauban qui s’était fait la malle, j’ai cassé une bosse de ris que j’ai dû réparé pour pouvoir renvoyer de la toile… Et comme la loi des séries continue, je me suis pris un filet de pêche cette nuit et j’ai dû faire une marche arrière pour m’en dégager. » 

«  Côté physique, mon seul souci c’est qu’avec tous les petits pépins techniques, je suis en déficit de sommeil. Les conditions météos ne sont pas simples car même s’il n’y a pas beaucoup de vent, c’est assez technique et il faut continuer à faire avancer le bateau.Je suis un peu en buttée de récupération de sommeil. A chaque fois j’arrive à grappiller 20 minutes par ci, 20 minutes par là mais je n’arrive pas à remplir les batteries pour être serein et lucide. Je sens que je suis un peu dans mes retranchements comme au bout d’une étape de Figaro et il est clair que je ne vais pas pouvoir faire le reste de la traversée comme ça. »

© Y.Zedda/PAPREC RECYCLAGE

Sidney Gavignet, skipper du Multi 70′ Musandam Oman Sail :


« Je repense au départ et je remercie tous ceux qui sont venus nous voir, c’était chouette de voir toutes ces têtes, merci à tous !

Le bateau est en forme, c’est incroyable ce qu’ils endurent, vous ne pouvez pas imaginer, ce qu’ils se prennent dans la gueule. Excusez l’expression, mais c’est la plus parlante !
J’ai pu bien me reposer aujourd’hui et prendre soin du bateau et de ma pomme. J’ai gouté au Strogonof lyophilisé à l’eau froide. Ça se mange. L’œdème de mon bras gauche ne gonfle plus, je le masse autant que possible et porte la main au ciel pour l’aider à drainer. Ce n’est pas facile car, même au repos, mon buste est plus haut que ma main car je ne dors pas allongé (Sidney dors dans un hamac). Bon c’est un peu du Calimero, mais ça fait toujours du bien de se faire plaindre (au cas où vous en auriez l’idée).
Je croise les doigts, je touche du bois pour que tout résiste maintenant aux longues heures de portant, c’est là que l’on voit si on a pensé à tout ! J’ai une pensée pour mon ange gardien Loik Gallon, le responsable technique. Je me dis aussi que mon ange gardien a une sacrée gueule de breton pour un ange gardien !
 Bon, en bref, tout va bien sur Musandam Oman Sail ! 
La nuit va être belle : proche de la pleine lune et ciel clair. On a de la chance ! »

Yann Guichard à la vacation du jour en vidéo :

Route du Rhum : J2, franche accélération à venir

Aucun soucis technique cette nuit au sein de la flotte des Ultimes, les skippers ont du faire face à des conditions encore scabreuses avec un vent bien établi d’une trentaine de noeuds et des rafales à 40, la mer restait relativement forte.

Ce matin, l’amélioration a été progressive avec une petite baisse du flux et une mer qui avait tendance à s’aplanir, ce qui a permis aux bateaux les plus puissants de creuser ou de reprendre l’avantage sur les plus petits de la flotte, les MOD 70.

Les classements calculés par rapport à la distance au but ne reflètent pas forcément la réalité, toujours en tête, Loick Peyron sur Banque Popualire VII a repris quelques milles sur Yann Guichard sur son maxi de 40 Spindrift 2 qui pointe à 60 milles, sur une trajectoire sensiblement identique, Séb Josse sur le Multi 70 Edmond de Rothschild pointe encore à la troisième place à une trentaine de milles du second. Décalés dans l’est, Francis Joyon sur Idec Sport et Lionel Lemonchois sur Prince de Bretagne sont classés à l’heure actuelle 6ème et 4ème, ils devraient se retrouver devant Sébastien Josse au pointage de ce soir grâce à un différentiel de vitesse de quelques noeuds. Yann Eliès sur Paprec Recyclage et Sidney Gavignet sur Musandam Oman Sail sont désormais en queue de flotte, leur objectif est de ne pas voir la porte du contournement de l’anticyclone se fermer devant eux, alors que les plus gros trimarans seront passés.

La flotte devrait passer Madère dès ce soir.

© Idec

 

Les skippers à la vacation du jour :

Lionel Lemonchois, skipper du trimaran maxi 80 Prince de Bretagne :

« Depuis le départ, nous n’avons pas eu une seule minute de répit. Ca a été vraiment dur et je commence à être bien fatigué. Il faut impérativement que j’arrive à dormir un peu aujourd’hui. Plus nous allons gagner vers le sud, mieux ce sera. Dans le golfe de Gascogne, la mer était vraiment dégueulasse et ce n’était pas facile d’aller vite. Là, depuis le lever du jour, ça commence à se calmer doucement et d’ici à demain, ce sera nettement plus confortable. Je vais donc tâcher de m’accorder une petite sieste de quinze minutes ce matin. En ce qui concerne le bateau, je suis content. Il se comporte bien. Idem pour le pilote automatique que j’ai réussi à faire marcher dans 40 noeuds de vent ».

 

Antoine Koch, routeur du Multi 70′ Groupe Edmond de Rothschild :

« La nuit a été agitée… Ils sont toujours dans la traîne active de la dépression avec un flux de Nord-Ouest puissant. Les grains qui sont nombreux sur leur route amènent beaucoup d’instabilité. Ce matin, Sébastien avait encore un bon 30 nœuds établi, grimpant à 40-45 nœuds dans les rafales et surtout une forte houle de Nord-Ouest d’environ 5 mètres.  Il se restaure comme il faut et il a réussi à se reposer hier après-midi et cette nuit, ce qui est très bien compte tenu de l’état de la mer et du vent encore fort. »

© Yvan Zedda/Gitana S.A.

Sébastien Josse, skipper du Multi 70 Edmond de Rothschild :

« Ça se passe pas mal, le plus gros est derrière nous : on est dedans mais la sortie est imminente. Ça va faire du bien. J’essaye de faire ce qu’il faut pour rester dans le match. On verra comment ça se passe après. Dans un ciel de traine avec de gros cumulus, il reste de la mer, 4 mètres de houle, 30 nœuds vent, trois ris ORC… Les conditions sont encore musclées. Ce ne sont pas les alizés !  J’ai une bulle de protection du cockpit qui est partie. Je vais la remettre plus tard. Je barre beaucoup. La suite : sortir de cette mer désordonnée ! J’attends que le vent adonne, mollisse, et on va renvoyer de la toile. Ce matin, j’en profite pour me reposer comme on est au portant : c’est plus pratique que le près. »

 

Yann Elies skipper du multi 70 Paprec Recyclage :

« Ça reste encore chaud : il y a plus de 30 nœuds de vent mais la mer s’aplatit doucement ce matin. Il y a une magnifique houle avec des déferlantes, c’est un peu l’ambiance du Grand Sud : ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ça. Je commence à récupérer ce matin, j’ai bien dormi sous trois ris et trinquette, et j’avance correctement donc je suis arrivé à m’alimenter. Il fait beau, on commence à avoir du soleil, ça sent le bout du tunnel. On va déguster les pistes de ski dans la neige fraiche… On va attaquer dans quelques heures. La musique est respectée : les gros devant, les petits derrière. Je suis content de la façon dont j’ai navigué, car je ne suis pas loin de Sidney Gavignet qui est un bon marin.

Je suis impressionné par Sébastien Josse qui a fait des moyennes hallucinantes que je ne suis pas prêt de faire, et puis Lionel Lemonchois aussi a fait des moyennes de 27 nœuds, je suis impressionné ! C’est la question du choix de la voilure ce matin. Je vais sans doute renvoyer de la toile maintenant qu’il fait jour et que je suis en forme. Je me pose beaucoup de question sur la toile. Les autres ont l’expérience donc ils ne se la posent pas. C’est ce qui fait la différence entre Lionel Lemonchois et moi.

Les prochaines heures, ça devrait s’améliorer, le terrain va s’aplatir un peu, en même temps il va falloir mettre du charbon ! On va tous chercher à contourner l’anticyclone, si on prend du retard, ça va s’étirer par devant. Jusqu’à présent, j’ai eu du mal à tenir les moyennes des routages. J’espère maintenant tenir la cadence, car j’ai peur que la porte se ferme pour les petits bateaux dans le contournement de l’anticyclone. Je vais renvoyer de la toile et voir si c’est le bon choix et puis j’ai un peu de bricolage à faire… »

 

Sidney Gavignet, skipper du multi 70 Musandam-Oman Sail :

« Je me fais griller au soleil dans ma cabine à chien, ça fait du bien ! On est sorti du gros temps avec grosses bourrasques, des rafales plus fortes de 10 nœuds : j’ai failli cabaner hier matin, mais j’ai eu le temps de choquer l’écoute en grand et de me préparer à rentrer à l’intérieur au cas où le bateau se serait retourné. Cette nuit et ce matin, j’ai un peu trainé la patte. Je dormais dans mon hamac la télécommande dans la main, donc je n’ai pas été rapide : on n’arrivera pas aller aussi vite que les gros. Nerveusement, ça va très bien, rassurez vous ! Physiquement ça va aussi. Mais je n’ai plus d’eau chaude, j’ai cassé mon réchaud, c’est con pour la nuit. On attend que le vent tourne gentiment vers le Nord, on garde du vent pendant un moment, j’ai 30 nœuds maintenant, alors que cette nuit on a eu 30 35 nœuds. J’ai eu une bourrasque à 45 nœuds avec de la grêle, c’était spécial ! On fait une pointe à 35 nœuds dans une vague, mais ca va ! Il faut quand même être vigilant… Les vagues sont ¾ arrières donc c’est moins dangereux que les deux premiers jours. »

Yann Guichard, skipper de Spindrift 2 :
« Il y a de la mer, pas très ordonnée, elle est grosse, c’est surtout les grains qui sont puissants, mais moins depuis 1h ou 2h. Toute la nuit 45 nœuds dans les grains, c’est chaud… Ça va, ca glisse, on va vers l’amélioration, le vent va mollir dans 3-4 heures car c’est fatigant, avec les manœuvres et les changements de voiles. Sur ce type de bateau, ça prend du temps. J’arrive à revenir sur les premiers, donc je suis content. J’adapte ma voilure, j’ai passé la nuit avec deux ris, je suis revenu depuis hier, il faut renvoyer un ris ou pas… 50 milles de retard, ce n’est pas grand chose, on va être serré dans le Sud, il va falloir tenir le rythme, il va falloir que je renvoie de la toile, donc je vais perdre du terrain mais revenir après. Je suis agréablement surpris pas le bateau : j’arrive à le gérer… J’ai dormi un tout petit peu ce matin. »

 

Loïck Peyron, skipper de du maxi solo Banque Populaire VII: « La mer commence à  s’aplatir : la meilleure nouvelle que nous ayons eue depuis 48 heures ! Mais ça bouge beaucoup, énormément même. Le vent est toujours très instable : ça va de 25 à 40 nœuds dans les grains et on ajuste tout le temps le pilote. Les conditions jusqu’à présent étaient dantesques. Cette nuit, c’est beaucoup mieux : il y a de la lune, quelques nuages, pas beaucoup de bateaux, les grandes manœuvres vont commencer. Cela ne peut que s’améliorer. D’ici demain cela sera nettement plus confortable. J’ai passé beaucoup d’heures à la barre et même avec ce bateau qui est large, j’ai failli le mettre sur le toit en m’endormant à la barre : en tombant, j’ai fait abattre le bateau et le temps de remettre tout cela en place, je me suis fait quelques cheveux blancs ! »

Route du Rhum, le point après 24 heures

Le départ d’hier n’aura finalement pas posé de problèmes aux marins, Sidney Gavignet sur Musandam Oman Sail gratifiait les chaines de TV d’une belle montée sur un flotteur en tête de la flotte des Ultimes après le passage de ligne, Thomas Coville revenait ensuite grâce à la puissance de son bateau, tout comme Lionel Lemonchois très à l’aise sur Prince de Bretagne, ce dernier passait la bouée du Cap Fréhel en tête devant Sidney Gavignet et Thomas Coville.

Avec u vent fraichissant et une mer difficile, on pensait que les skippers des Ultimes allaient privilégier la vitesse et réduire les manoeuvres, au final seuls Yann Guichard sur Spindrift 2 et Yann Eliès sur Paprec recyclage choisissaient cette option avec un seul virement. Le reste de la flotte menée par Loick Peyron sur Banque Populaire VII effectuait trois virements pour parer la pointe Bretagne et Ouessant.

Loick Peyron a fait parler la puissance de son bateau durant la nuit et s’est creusé une avance de presque 50 milles sur Groupe Edmond de Rothschild barré par Sébastien Josse. Le reste de la flotte navigue entre 60 et 80 milles du leader avec des trajectoires assez proches, Francis Joyon sur Idec Sport pointé 7ème faisant une route plus à l’est alors que Prince de Bretagne plus au large (40 milles en latéral) est pointé 3ème.

Les fortes conditions de mer et de vent n’auront pas l’instant pas été rédhibitoires aux plus petits bateaux, notamment les MOD 70.

L’événement marquant de ce début de course reste l’avarie de Thomas Coville survenue hier vers 23h30. Alors qu’il allait sortir du rail d’Ouessant, le skipper de Sodeb’O a semble-t-il manqué de lucidité et est descendu dans la coque centrale pour régler un soucis de moteur. A sa sortie, il n’a pu éviter le choc avec un cargo qui était en route de collision avec Sodeb’O Ultim. Le bateau est très endommagé avec le flotteur tribord arraché jusqu’au bras et l’étrave de la coque centrale  également manquante, le skipper et le bateau sont en sécurité à Roscoff.

Thomas Coville, skipper de Sodeb’O Ultim à propos de cette collision :

« J’étais en train de sortir du DST, c’est à dire la zone de trafic maritime qui nous était interdite, je pense que j’allais très vite. J’avais eu un petit souci dans la nuit à l’avant et j’avais décidé de remettre du charbon et je revenais je crois très fort sur Loïck (Loïck Peyron, Maxi Banque Populaire VII), j’étais très à l’aise.

J’ai eu une alarme moteur, pour faire une charge batterie, qui s’est déclenchée et donc je suis rentré à l’intérieur parce que j’étais surpris qu’au bout de huit heures je sois obligé de faire une charge. Il n’y avait rien d’anormal donc je suis remonté et là, j’ai bien vu sur mon écran…Il faut imaginer que sur nos bateaux nous n’avons pas beaucoup de visibilité, là il fait nuit, il y avait des grains avec beaucoup de pluie et en fait on naviguait qu’à l’écran finalement comme les pilotes d’avions ou contrôleurs aériens qui ne travaillent qu’au radar. J’avais bien vu qu’il y avait deux cargos proches de moi, mon bateau était en mode vent, il a une manière d’évoluer qui peut être aléatoire par rapport au vent et par rapport aux vagues, moi je suis à 25 nœuds, le cargo est à 18 nœuds donc on a une vitesse de rapprochement de 40 nœuds et en gros je fais les deux milles en question en une minute trente. Je ressors de la cabine après avoir démarrer le moteur, je cherche le bon régime moteur et au moment où je lève la tête je vois ce mur noir passer devant moi et je le touche d’environ 1,5 mètres ou peut-être à 3 mètres de son arrière. C’est à dire que cela ne passait pas et cela aurait pu passer à 3 mètres. »

 

Yann Guichard, skipper de Spindrift 2 : « Ça a été compliqué cette nuit, il a fallu slalomer entre les cargos et les pêcheurs. Il y a eu des moments un peu chauds. Je n’ai pas eu de problèmes mais la nuit a été éprouvante. La mer est croisée et pas facile. Je ne suis pas allé très vite vu l’état de la mer, j’ai beaucoup manœuvré et les manouvres dans 25/30 nœuds voire plus, la moindre erreur est fatale.
(…) Maintenant ça avance tout droit, j’espère pourvoir accélérer quand la mer se calmera, pour l’instant elle est presque de face. Ça s’éclairci un peu, j’ai du ciel bleu à mon vent, par contre, il y a des grains à 30 nœuds et la mer est démontée. Ce matin j’ai mangé, pendant la nuit aussi, il n’y pas de souci, je ne suis pas malade, les conditions sont dures, je n’ai pas encore dormi, je vais faire une sieste 10/15 minutes quand on va raccrocher. Il faut que je m’aère la tête, ça ira mieux au large du Portugal. Le portant, ce n’est pas pour tout de suite… On a encore 30 heures difficiles pour le bonhomme et le bateau, on souffre avec lui, on a l’impression qu’il va se désintégrer. Dans les vagues, l’étrave décolle de 15 mètres… C’est violent mais tout va bien »

Francis Joyon, skipper d’Idec Sport :

« Je t’appelle avec le téléphone satellite dans une main et l’écoute dans l’autre : le vent est assez fort et très instable. Un coup je suis au près serré, un coup au vent de travers… le vent oscille brusquement entre l’ouest/sud-ouest et le nord-ouest, ce n’est pas très cool et très tendu en multicoque ! J’ai deux ris dans la grand voile et il me faut faire des changements de voile d’avant de temps en temps entre la trinquette et l’ORC (plus petite, ndr), pour faire ça je me mets au vent arrière pour rouler et j’essaie de faire vite… La mer est très difficile à gérer car la houle de travers est assez forte, il y a au moins 4 mètres de creux et surtout celle-ci vient heurter la mer du vent. Le résultat n’est pas joli-joli à voir… et en plus il n’y a pas de soleil pour recharger mes panneaux solaires (rires) ! »
J’ai appris pour l’abandon de Thomas (Coville), de mon côté j’ai pas mal de petits soucis mais rien de comparable et rien de grave. J’ai notamment de petits pépins électriques et je n’ai plus d’ordinateur de bord : l’écran ne reste allumé que quelques secondes et j’ai bien du mal à voir les fichiers de vent et la position de mes concurrents. Je suis obligé d’attendre que ça se calme un peu pour tenter de mettre en service l’ordinateur de secours. Cette nuit, on a eu jusqu’à 38 nœuds et surtout je me bagarre avec les grains…C’est très inconfortable : jamais je n’avais fait taper le bateau à ce point là ! Ça secoue vraiment très, très fort et je pense qu’on va avoir des conditions encore instables comme ça toute la journée. Ce qui m’embête un peu c’est que j’ai du mal à trouver la vitesse optimale, car je suis obligé de choquer tout le temps… sinon le bateau s’envole. Pour l’instant je n’ai pas dormi du tout, j’ai du réussir à faire deux ’nuits’ de trois secondes mais pas plus… « 

Lionel Lemonchois sur Prince de Bretagne :

« Cette nuit, ça a été très musclé. Je suis resté toute la nuit à la barre et je n’ai pas dormi du tout mais tout va bien à bord. Je suis content parce que le bateau se comporte bien, cependant, je reste prudent et cherche à placer le curseur au meilleur endroit entre aller vite et préserver le matériel, d’autant que ce qui suit s’annonce costaud également et ce sera pire encore pour ceux qui sont derrière nous, un peu moins rapides 

Route du Rhum J-1

Tour d’horizon des concurrents en catégorie Ultime, la victoire de Franck Cammas voici 4 ans avait surpris, le skipper de Groupama 3 s’était emparé de la tête de la course dès la bouée du Cap Fréhel pour ne plus la lâcher, à la surprise générale.

En effet le potentiel de vitesse du trimaran était connu en équipage, mais la capacité du marin à le mener en solitaire de Bretagne en Guadeloupe a poussé plusieurs concurrents vers cette solution des « très » gros et puissants multicoques.

 

 

Dans cette catégories des « grands ultimes » nous retrouvons

 

  • Thomas Coville sur Sodeb’O Ultim’

Le skipper de Sodeb’O s’attaque à son premier défi sur ce « nouveau » trimaran. Le skipper a mis ce bateau à l’eau en mai 2014, il s’agit de l’ancien Géronimo d’Olivier de Kersauson profondément remanié. En effet les architectes de la première mouture, VPLP se sont remis à leurs planches à dessin pour faire renaitre ce multicoque dont il ne reste qu’une partie des flotteurs, la bôme et les bras de liaison.

L’avant des flotteurs, la coque centrale ont été redessinés, les flotteurs ont été renforcés afin de recevoir des foils. L’équipe de Sodeb’O a adapaté les appendices (safrans et foils) d’USA 17 (le trimaran de 90′ à aile d’Oracle Racing vainqueur de la 33ème Coupe de l’America).

Le mât a été construit dans les moules de celui de Groupama 3 version solitaire, les deux bateaux ayant des dimensions et un plan de voilure proche. L’ancien trimaran de Franck Cammas était d’ailleurs convoité par Thomas Coville, mais la vente avait échouée au profit de Banque Populaire.

Le trimaran se classe dans le trio de tête des plus grosses unités de cette Route du Rhum. Dans des conditions identiques à celle de la précédente Route du Rhum, Thomas Coville fait donc parti des grands favoris, qui plus est le marin navigue en solo depuis presque dix ans maintenant (en 60′ ORMA initialement, puis sur le maxi Sodeb’o premier du nom, le plan Irens/Cabaret), il a cinq tours du monde en multi à son actif.

Malgré tout, ce trimaran est récent, la mise au point est toujours longue sur ce type de multicoque, mais le skipper n’a cessé de naviguer depuis la mise à l’eau, avec notamment une « reconnaissance » du parcours avec un aller en équipage réduit vers la Guadeloupe et un retour en solitaire.

Thomas Coville semble donc affuté, le potentiel de vitesse du trimaran est très certainement équivalent, voir plus probablement supérieur au bateau tenant du titre (Banque Populaire VII, ex Groupama 3), le point négatif pourrait être l’absence de course en flotte du skipper depuis 2010, mais bon nombre de ses concurrents sont dans le même cas.

Les plus :

– bateau performant

– skipper spécialiste des records en solitaire

Les moins :

– trimaran récent avec une mise au point somme toute réduite

  • Loick Peyron sur Banque Populaire VII

Le duo inattendu de cette Route du Rhum, Loick Peyron fait son retour à la barre d’un grand multicoque en solitaire suite au forfait du skipper maison Armel le Cléac’h.

Celui-ci s’est blessé à la main, et à donc été contraint de céder la barre du trimaran tenant du titre, et depuis optimisé par le team Banque Populaire. Armel le Cléac’h était ultrafavori de cette course, avec, on le sait, un bateau performant puisque Franck Cammas avait pu gérer sa course il y a 4 ans suite à une belle avance prise dès les premiers jours de course, et un marin rompu à l’exercice du solitaire sur cet engin depuis deux ans, avec les records de la Méditerranée, des 24 heures et de la Route de la Découverte (avec de grosses moyennes dans des conditions de mer et de vents fortes). Il avait du renoncer à celui de l’Atlantique Nord faute de fenêtre météo favorable.

Loick Peyron « hérite » donc d’un bateau sur lequel il n’avait jamais navigué jusqu’alors, bien que grand spécialiste des multicoques avec un palmarès éloquent, le baulois bénéficiera d’une préparation plus que réduite par rapport à ses concurrents, avec un déficit de navigation ces dernières années (malgré son passage chez Artemis lors de la dernière America’s CUp). Ces dernières courses en solo se sont déroulées en 60′ IMOCA, et sa dernière en multicoque date d’il y a 12 ans maintenant, qui plus est le skipper pourrait être moins affuté physiquement que la plupart des concurrents de cette classe Ultime.

Les plus :

– le bateau tenant du titre

– la connaissance des multicoques du skipper

Les moins :

– la préparation physique du skipper

– le manque d’entrainement sur le trimaran

  •  Yann Guichard sur Spindrift 2

Probablement une des plus grande inconnue de cette Route du Rhum, Yann Guichard est probablement le meilleur spécialiste actuel du multicoque en France, avec des navigations sur de multiples supports (D35, Extreme 40, AC45, 60′ ORMA, 77′ sur la Route du Rhum 2010, MOD 70, maxi multicoque), et une écurie fondée avec Dona Bertarelli qui lui offre un programme de navigations conséquent, mais centré sur l’équipage.

Le potentiel de vitesse du trimaran de 40m est supérieur en équipage à celui de l’ex Groupama 3, le bateau a été adapté autant que faire se peut à l’exercice du solitaire avec un mât raccourci, la suppression de la bascule de celui-ci, l’adoption du vélo pour alterner effort avec les bras et les jambes.

Le passage du trimaran dans la mer et le vent fort sera inégalé sur le plateau des ultimes, mais reste à exploiter au maximum les capacités du multi en solitaire, le skipper risque d’être obligé à sous toilé son trimaran afin d’anticiper les changements météos, alors que les petits « multis pourront enchainer ces manoeuvres.

Le skipper avoue également que le moindre soucis technique sera ingérable en solitaire.

Les conditions météos musclées prévues les premiers jours pourraient l’avantager si il arrive à tirer le maximum du potentiel de son bateau gérable, mais la seconde partie de course avec des conditions changeantes pourraient lui être moins favorable. Reste aussi la faisabilité d’une transat sur ce géant, peu de gens pariaient sur Franck Cammas il y a 4 ans, Yann Guichard déjouera peut être une nouvelle fois les pronostics.

Les plus :

– la vitesse du bateau dans des conditions de mer difficiles et les vents forts

– la connaissance du support par le skipper

Les moins :

– la capacité à gérer un bateau aussi puissant

 

 

 

Les Ultimes « intermédiaires »

  • Francis Joyon sur Idec Sport

Francis Joyon avait terminé second lors de l’édition 2010, son objectif reste le podium, malgré le déficit de puissance de son plan Irens/Cabaret de 2007 par rapport aux derniers nés de VPLP. Il peut tirer son épingle du jeu si les conditions après le coup de vent du départ sont variables, le bateau étant très polyvalent quelque soit les conditions.

Le marin aligne un palmarès éloquent sur son trimaran puisqu’il a été détenteur de tous les records en solo, avant de se faire déposséder de quelques uns par Armel le Cléac’h, il lui reste cependant les deux plus difficiles, l’Atlantique Nord et le tour du monde.

Le skipper part donc sur un bateau éprouvé et fiabilisé, avec 20000 milles au compteur et peu d’avaries, même si le trimaran est rustique, il n’en est pas moins relativement performant. De plus il le connait par coeur, il le prépare quasi seul, et semble capable de parer à la plupart des avaries possibles, et le mènera au maximum de son potentiel sur cette course, alors que d’autres pourraient être tentés d’agir avec plus de retenue.

Les plus :

– un palmarès inégalé en solitaire

– trimaran polyvalent et parfaitement adapté au skipper

Les moins :

– déficit de performance face aux trois grands ultimes

 

 

L’interview par Voiles et Voiliers

  • Lionel Lemonchois sur Prince de Bretagne

Le skipper est double vainqueur de la Route du Rhum dans deux classes différentes (60′ ORMA en 2006 sur Gitana 11, avec le record actuel de l’épreuve), et en Multi 50′ en 2010), il espère le triplé.

Il est parfaitement aguerri à l’exercice du solitaire et reste un très grand spécialiste du multi et un équipier recherché, sur « son » projet il a adapté une plate forme de 60′ ORMA (l’ex Sodeb’O) à sa main et avec comme objectif cette course.

Le skipper a gardé une largeur suffisante gage de puissance et une longueur modérée afin que le trimaran soit évolutif quelques soit les conditions sur l’Atlantique, il n’aura gardé de la plate forme initiale que les bras, la bôme, les appendices et l’accastillage. Le trimaran semble un bon compromis puisqu’il reste tout à fait maniable dans toutes les conditions et assez rapide.

Malgré tout, le skipper sait son trimaran un peu moins performant que les gros ultimes dans des conditions fortes, le mât basculant lui donnera un avantage dans des conditions plus légères et le skipper est capable d’accélérer si les conditions lui sont favorables, sans se pauser de questions sur sa capacité à mener le bateau en solo.

 

 

 

 

Les « petits » Ultimes, les trois « MOD » 70

La classe monotype initialement crée pour des courses en équipage ayant périclité, les équipes possédant un  MOD 70 ont pour deux d’entre elles adapté les plate forme à l’exercice solitaire. Yann Eliès est arrivé très récemment à la barre de Paprec, alors que ses deux concurrents directs ont beaucoup plus d’expérience à la barre de ces trimarans.

 

  • Sébastien Josse sur Groupe Edmond de Rothschild

Le skipper du Gitana Team sera probablement le concurrent le mieux armé parmi ces trois petis Ultimes. Il est à la barre du trimaran depuis 2011 et a beaucoup navigué sur ce support. Il s’est beaucoup entrainé pour cette course, en multipliant les sorties en solitaire, il a également remporté la Jacques Vabre l’année dernière en double, faisant une quasi répétition de ce qu’il pourrait rencontré pendant cette course.

Le trimaran est également celui qui a été le plus modifié, des ballasts ont été ajoutés, la casquette a été élargie afin que le skipper n’ait pas à descendre dans le bateau, il est équipé d’un système anti chavirage maison sécurisant.

Et plus important côté performance, le Gitana Team a mis en place des safrans en T avec un plan porteur à l’extrémité de ceux-ci avec un réglage d’incidence, ces appendices permettent de gagner quelques noeuds en sustentant plus le bateau qu’avec les seuls foils et safrans classiques et permet le limiter le tangage et donc de stabiliser le multicoque notamment à haute vitesse.

Le podium parait difficile à briguer pour Sébastien Josse avec des conditions musclées au départ limitant le bénéfice d’un petit bateau manoeuvrant et moins sollicitant physiquement, il visera vraisemblablement la quatrième place.

Les plus :

– trimaran le plus perfectionné des MOD 70

– skipper bien préparé

Les moins :

– déficit de vitesse et de puissance face aux gros ultimes

– première course en solitaire en multicoque

 

L’interview par Voiles et Voiliers

 

  • Sidney Gavignet sur Musandam/Oman Sail

Sidney Gavignet avait débuté en multicoque solo il y a quatre ans, sur un quasi sistership d’Idec et Sodeb’O maxi (le plan Irens Cabaret, non engagé sur cette édition), mais avait été contraint à l’abandon suite à la casse d’un flotteur et au chavirage.

Cette fois-ci le skipper s’est beaucoup entrainé et connait parfaitement son MOD qu’il barre depuis 2012, le trimaran est cependant moins bien armé que celui de son concurrent Sébastien Josse, puisqu’Oman Sail n’a pas développé les appendices du bateau.

Le record du tour des iles britanniques a cependant mis le skipper en confiance et celui-ci fera de son mieux pour bien faire sur cette course.

Les plus :

– grande expérience du marin en course au large

Les moins :

– le potentiel du trimaran

  • Yann Elies sur Paprec Recyclage

Yann Elies sera probablement le moins bien armé pour cette course, malgré son expérience en équipage sur des maxis multicoques et en équipage plus réduit ou en double en Multi 50′, il n’aura que peu navigué sur son MOD. Celui-ci ne possède pas non plus les appendices perfectionnés de Groupe Edmond de Rothschild.

L’objectif du skipper sera avant tout de terminer sa première course en solitaire en multicoque, si possible en plaçant au moins un autre MOD derrière lui.

http://www.youtube.com/watch?v=Dd9XGXeCvRY